C'est un immeuble un peu spécial qui va bientôt être inauguré à Singapour. Haut de huit étages, il ne va pas accueillir des bureaux ou des appartements de luxe… mais des poissons.
Apollo Aquaculture Group (AAG) va ainsi implanter le premier élevage vertical de poissons au monde, qui produira 3.000 tonnes de mérous, truites et crevettes par an, «avec une productivité six fois supérieure à celle d'un élevage classique», assure Crono Lee, porte-parole de la compagnie, au site Hakai.
La compagnie teste le concept depuis 2012 avec un élevage sur trois étages, chaque étage contenant deux étangs d'eau salée de 135 m2 chacun. L'eau circule en circuit fermé, filtrée et «nettoyée» naturellement par des plantes aquatiques.
Le tout est étroitement géré par un algorithme, qui surveille la moindre variation de la qualité de l'eau, la salinité ou la quantité de nourriture à apporter aux poissons. De quoi faire des économies substantielles et réduire la mortalité: selon Ben Kwan, le gestionnaire de la ferme, celle-ci est en moyenne de 20% contre 30% pour les élevages traditionnels.
Poissons d'altitude
Cette initiative est une réponse à la dépendance extrême de Singapour sur le plan alimentaire. La ville-État importe en effet 90% de sa nourriture et ambitionne de produire localement 30% de ses besoins nutritionnels d'ici 2030.
Pour cela, Singapour développe depuis plusieurs années des fermes verticales, où les fruits et légumes sont cultivés en hydroponie (avec les racines baignant dans l'eau) dans des bâtiments éclairés par des LED. Une agriculture high-tech qui affiche un rendement jusqu'à 100 fois supérieur à celui de l'agriculture traditionnelle, pour une consommation d'eau dix fois moindre.
L'autre problème de Singapour est bien entendu le manque d'espace: avec une superficie de 700 km2 pour 5,8 millions d'habitants, elle est l'une des villes les plus denses au monde.
La ferme à poissons verticale apparaît donc comme la solution idéale pour assurer une production locale. «Si 50 à 60 hectares d'étangs flottants étaient installés à Singapour, cela permettrait de couvrir 100% de la demande en poissons», assure au Straits Times Tan Yok Joo, qui dirige le cabinet de consultant Surbana Jurong à l'origine du concept.
Cette nouvelle forme d'aquaculture n'est pourtant pas cantonnée aux espaces contraints. «Partout dans le monde, les gens sont de plus en plus conscients des questions de sécurité alimentaire», observe Eric Ng, le PDG d'Apollo Aquaculture Group qui a été consulté par plusieurs partenaires en Chine, au Brunéi ou aux Émirats arabes unis.
Mais attention: les «immeubles à poissons» ne constituent pas non plus une solution miracle. À l'instar des fermes verticales qui sont réservées à des plantes très particulières (herbes aromatiques, légumes feuilles, fraises…), il paraît difficile d'élever des saumons ou des thons d'un mètre de long dans un bassin flottant. Pour consommer local, vous devrez sans doute vous contenter de crevettes et de tilapia.