Le concept de temps d'écran pourrait bientôt disparaître pour être remplacé celui de «screenome», c'est à dire une analyse fine de notre vie numérique qui ne se limite pas aux heures passées sur nos appareils. C'est ce que Byron Reeves, docteur en sciences de la communication et professeur à l'université Stanford, propose de mettre en oeuvre avec le projet Human screenome.
Le principe est simple: scanner le plus précisément possible notre activité à l'aide d'un logiciel qui capture et archive automatiquement toutes les 5 secondes le fonctionnement d'un smartphone dès que celui-ci est allumé.
Le but est d'utiliser les mégadonnées qui en sont extraites pour mieux comprendre la personnalité des individus dans un but non pas marketing et publicitaire mais sociologique et scientifique.
«Il s'agit d'analyser la façon dont les gens fonctionnent. Ils peuvent passer de la lecture des publications Facebook à la consultation des actualités de la campagne présidentielle, puis jeter un oeil sur leurs opérations bancaires, le tout dans la même minute... Cela n'a vraiment rien à voir avec le temps passé», précise Reeves.
Mieux comprendre les utilisateurs
Pour illustrer son propos, Reeves cite l'exemple de deux adolescents qui ont testé le screenome. Si à première vue leur vie numérique semble identique, du moins en termes de temps passé sur leur appareil, ce qu'ils font en ligne révèle des personnalités très différentes.
Grâce aux métadonnées, le screenome permettrait ainsi d'obtenir une connaissance plus fine des individus et de détecter entre autres les comportements à risque, la dépendance aux réseaux sociaux ou les problèmes de santé mentale.
L'un des plus grands obstacles de ce projet reste à l'évidence la protection de la vie privée. Avec la collecte systématique des données personnelles, comptes bancaires, des itinéraires de covoiturage, des livraisons de repas, des discussions avec des proches, de la pornographie consommée, des échanges de crypto-monnaies voire des activités illicites, rien n'échappera au screenome. Reeves assure néanmoins que les données seront automatiquement compressées, chiffrées puis envoyées à Stanford de façon sécurisée.
Jusqu'à présent, son équipe a récupéré près de 30 millions de captures d'écran, provenant de volontaires aux États-Unis, en Chine et en Birmanie. D'après les scientifiques, les données collectées sont à couper le souffle: «C'est fascinant. Vous avez réellement l'impression de connaître une personne.»
Il manquera cependant un élément d'information essentiel, car le projet ne prévoit pas de prendre en compte ce que nous faisons hors ligne, un facteur pourtant déterminant pour comprendre nos comportements en ligne.