Samedi 28 septembre. Depuis Boca Chica Village, au Texas, Elon Musk a dévoilé Starship, sa nouvelle génération de fusée. Elle fera décoller, à terme, des centaines de personnes vers Mars ou la Lune. Le véhicule spatial devrait être prêt à être mis en orbite dans les six mois à venir, et embarquer un premier groupe de personnes à son bord courant 2020.
La vision du vaisseau chromé brillant sous le soleil texan n'a pas suffi à séduire Jim Bridenstine, le n°1 de la Nasa, qui a commenté l'événement en tweetant, la veille, un communiqué glacial et cinglant:
«Hâte de voir l'annonce de SpaceX demain. Dans le même temps, Commercial Crew a plusieurs années de retard. La Nasa attend le même niveau d'enthousiasme sur les investissements du contribuable. Il est temps de fournir des résultats.»
My statement on @SpaceX's announcement tomorrow: pic.twitter.com/C67MhSeNsa
— Jim Bridenstine (@JimBridenstine) September 27, 2019
Commercial Crew est un programme de la Nasa censé envoyer des astronautes en orbite basse et sur la station spatiale internationale (ISS). Le programme est mené par des entreprises extérieures, SpaceX et Boeing, afin de permettre à l'agence spatiale de se concentrer sur l'espace lointain.
Priorités
En réponse, le PDG de SpaceX a ironiquement demandé si Bridenstine «parlait de Commercial Crew ou de SLS?», en référence au Space Launch System, une fusée de la Nasa destinée à atteindre la Lune, mais qui connaît elle aussi des retards de livraison. Plus sérieusement, il a assuré que moins de 5% de ses équipes travaillaient sur Starship, la majorité étant dédiée au projet Crew Dragon, mené pour le compte de la Nasa.
Ce type de piques à peine voilée vaut au PDG de SpaceX sa réputation de showman, plus avide de coups d'éclats que de pragmatisme. Des sources internes à l'agence spatiale américaine se sont interrogées auprès de Quartz au sujet des priorités de Musk qui, en août, indiquait par voie de tweet travailler sur Starship «sept jours par semaine», mais qui semble très pris par son autre entreprise, Tesla.
D'autant que SpaceX doit une grande partie de ses revenus à des contrats privés –en premier lieu avec la Nasa–, qui lui permettent de financer ses ambitieux projets de voyage spatial, parmi lesquels Starship.
La réponse moqueuse d'Elon Musk, qui se permet d'ironiser sur le SLS, est tout de même un signe que le secteur spatial privé n'est plus si dépendant que cela de l'agence spatiale américaine. Le SLS a pris tellement de retard qu'il pourrait être remplacé par des solutions moins chères, de chez Blue Origin ou SpaceX.
Cette information de novembre 2018, qui provenait pourtant de Steve Surczyk, un ponte de la Nasa, avait été aussitôt démentie par Bridenstine sur Twitter. Les opinions semblent diverger au sein de l'agence spatiale. Musk pourrait en profiter pour placer l'option SpaceX dans ces interstices –si ce n'est que l'administrateur de la Nasa compte bien montrer qu'il a la plus grosse fusée.