Malléable, bon marché, résistant à la corrosion, le plomb est un métal très utile. Malheureusement, il est aussi hautement toxique pour l'homme, et ce, même à faible dose: ses utilisations pratiques sont donc limitées.
Seulement, ces risques posés pour la santé humaine par le plomb n'ont été découverts que très tard. Le métal a ainsi longtemps été largement utilisé dans la peinture autant que pour la fabrication de munitions ou dans la plomberie. Son usage remonte même bien plus loin: les Romains de l'Antiquité en raffolaient, à tel point que certains historiens estiment que le saturnisme, l'intoxication chronique au plomb, a pu jouer un rôle dans le déclin de l'empire.
Le plomb était particulièrement utilisé dans la cuisine. Non seulement pots et ustensiles pouvaient être façonnés avec ce métal, mais il était aussi apprécié pour le goût qu'il donnait aux aliments.
Comme l'explique une vidéo de l'American Chemical Society, un livre de recette romain nommé De re coquinaria (L'Art culinaire), contient près de 100 recettes mentionnant le plomb, sur 450 au total.
Ingrédient secret
À l'époque, le moyen le plus simple pour sucrer une préparation était de concentrer du jus de raisin afin de faire un sirop. Or, les cuisiniers s'étaient rendu compte que la préparation était encore plus douce si elle était préparée dans une marmite en plomb.
Il est bien sûr impossible de déterminer avec certitude si l'empoisonnement au plomb, en plus des invasions dites «barbares», de la corruption ou des problèmes budgétaires, a réellement eu son importance dans le déclin de l'Empire romain d'Occident.
Ce qui est certain, en revanche, c'est que le saturnisme a des conséquences très sérieuses sur l'être humain: retards intellectuel et physique chez les jeunes enfants, goutte, hypertension, infertilité, problèmes digestifs ou cardiaques... En se substituant au calcium, le plomb s'attaque aussi au cerveau et est facteur de handicap mental.
De manière volontaire ou non, les Romains en consommaient-ils suffisamment pour que le saturnisme soit répandu dans tout l'empire? De nombreux historiens et archéologues ont étudié la question, et s'il est difficile d'obtenir une conclusion définitive, il est avéré que les Romains excédaient largement les quantités recommandées aujourd'hui.
Une étude ayant comparé des squelettes anglais avant et après la conquête romaine a mesuré qu'alors que les os de l'âge de fer n'avaient que 0,3 à 2,9 microgrammes de plomb par gramme, ceux de l'âge romain contiennent 8 à 123 microgrammes par gramme: suffisamment pour infliger de graves soucis de santé, et pourquoi pas l'extinction de la civilisation.