Compter ses calories ne dit rien de leur pertinence nutritionnelle. | Charles via Unsplash
Compter ses calories ne dit rien de leur pertinence nutritionnelle. | Charles via Unsplash

Les applis pour perdre du poids rendent-elles accro?

De plus en plus de programmes proposent un accompagnement sur-mesure aux adeptes des régimes alimentaires. Efficace mais très addictif.

Après mûre réflexion, j’ai opté pour un nom inspirant: FatSecret. Téléchargée en quelques minutes à peine, l’application m’a alors questionnée sur mon sexe, mon poids, ma taille, et surtout mes objectifs. Elle en a ainsi déduit ma VQR, «valeur quotidienne recommandée»—autrement dit, le nombre de calories quotidiennes autorisées pour répondre à mes aspirations printanières. Du jour au lendemain, j’ai donc vu mon alimentation se réduire à ce chiffre: 1.400 calories.

Ma première journée s'est déroulée avec succès. Je me suis rendue compte que mon alimentation n’était pas si riche: sans efforts, je n'ingurgite habituellement que 1.212 calories. Mais en regardant dans le détail, j’ai vite déchanté. Si, avec 49% de glucides, 32% de lipides et 19% de protéines j’avais respecté mon seuil de calories autorisées, mon alimentation n’était pas du tout équilibrée. Une prise de conscience, donc.

Journées glucides, journées poubelle

C’est cette révélation qui a permis à Ludmilla de perdre du poids et de ne pas en reprendre. Avant de télécharger FatSecret il y a deux mois, cette quadragénaire avait déjà beaucoup maigri. «Après quinze ans de vie de couple et deux enfants, j’étais montée à 86 kg alors que je fais 1m70. À la suite de mon divorce j’ai perdu 10 kg à cause du choc émotionnel, puis 5 autres juste en reprenant le sport. Je me suis dit que j’étais sur une bonne lancée et j’ai voulu continuer. C’est là que j’ai entendu parler de l’application.»

Ludmilla avait déjà pris l’habitude de noter ce qu’elle consommait. Aujourd’hui, même si elle ne veut plus maigrir, elle rentre tout dans l’application. «Je pèse et quantifie tout ce que je mange, sinon je grossis. Ça me permet de me rendre compte de ce que je mange, si je suis dans une journée pleine de glucides ou non par exemple. Parfois je me fais des journées poubelles, c’est-à-dire que je mange sans compter. Ces jours-là je peux monter à 3.300 calories, alors qu’en temps normal je ne dépasse pas 2.000.»

Je suis accro mais ça me va.
Hélène, utilisatrice de FatSecret

C’est aussi le cas d’Hélène, 48 ans, qui elle non plus ne peut pas se passer de l’application. Elle en avait 38 lorsqu'elle l’a téléchargée pour la première fois. «J’avais essayé tous les régimes imaginables, Ducan, Weight Watchers, 0 sucres, et j’ai toujours perdu du poids, puis repris avec un petit bonus», raconte t-elle le sourire aux lèvres. Depuis qu’elle a installé FatSecret, Hélène a perdu 15 kg, sans jamais les reprendre.

Votre vie gastronomique et alimentaire peut également ressembler à ceci: des comptages, des graphiques, des chiffres, des statistiques. Une bonne solution pour perdre du poids? | FatSecret

En janvier 2017, elle a voulu désinstaller l’application pendant six mois, «pour voir». Cela n’a pas été aussi simple que prévu. «Le premier mois j’avais peur de grossir donc je me suis restreinte, et le mois d’après j’ai vrillé. J’ai repris toutes mes mauvaises habitudes de grignotage et j’ai regrossi.» Hélène a re-téléchargé FatSecret, et tout est rentré dans l’ordre. «Je suis accro mais ça me va», a t-elle conclu. Avant de préciser: «De manière générale je suis plutôt obsédée par les To do list

L’obsession des calories

Faire la chasse aux calories, oui. Mais à condition de savoir identifier ce que l’on a dans notre assiette. Pour Alexandra Rétion, diététicienne à Paris, le principal défaut de ces applications tient à la logique qui consiste à raisonner en calories, et non en apports nutritifs. «Si l’on mange 1.800 calories de chocolat par jour, on va peut-être maigrir un petit peu au début mais on va finir par grossir. La plupart du temps ce n’est pas un problème de calories mais d’équilibre alimentaire. Le corps a besoin de certains nutriments et s’il ne les a pas quotidiennement, il stocke. C’est pour ça qu’il y a parfois des gens qui mangent très peu mais prennent du poids.» C’est donc avant tout sur l’apprentissage de l’équilibre alimentaire qu’il faut mettre l’accent.

À force de compter, on tombe dans l’ultra-contrôle de ce que l’on mange. J’ai des patients qui n’avaient pas de problèmes à l'origine et qui aujourd’hui souffrent de boulimie ou d’anorexie à cause de cela.
Alexandra Rétion, diététicienne

L’autre danger mis en avant par la diététicienne est de sombrer dans l’obsession des calories. Compter frénétiquement chaque flocon d’avoine ingurgité et le retranscrire aussi vite. Au risque de ne plus penser qu’à ça et, pour les cas extrêmes, de développer des troubles du comportement alimentaire. «C’est comme tous les régimes un peu drastiques: à force de compter, on tombe dans l’ultra-contrôle de ce que l’on mange. J’ai des patients qui n’avaient pas de problèmes à l'origine et qui aujourd’hui souffrent de boulimie ou d’anorexie à cause de cela.»

Un mécanisme pervers, qui n’a pas échappé à Eve. Cette jeune femme de 24 ans utilise le Compteur de calories de Virtuagym depuis trois mois. Son application est reliée à une autre, sur laquelle elle note tous ses exercices physiques –son objectif est de perdre 5 kg. Pour l’atteindre, l’application lui autorise 40% de protéines, 35% de glucides et 25% de graisses. Elle confie y aller une dizaine de fois par jour pour noter ce qu’elle mange, calculer ce qui lui reste pour le dîner, vérifier si elle peut s’autoriser un verre de vin. Un calcul qui joue sur son physique mais aussi sur son moral.

«Je sens que ça commence à me rendre un peu folle. J’y pense tout le temps. J’ai aussi remarqué que je culpabilisais quand je dépassais mon nombre de calories autorisées et que, au contraire, j’avais une certaine satisfaction à aller me coucher sans avoir tout consommé. Comme si j’allais me coucher plus légère. Dans ce sens-là, c’est un peu malsain je pense.»

À raisonner ainsi, on finit par se trouver grosse dès qu’on dépasse le seuil autorisé et hyper mince quand on s’y tient. Et cela peut continuer même une fois l’application désinstallée. Eve en est consciente: «Je crois que même si j’arrêtais Nutrition, j’aurais toujours en tête le nombre de calories des aliments.» Pour ma part, j’ai rapidement senti le poids de la culpabilité sur mes hanches. J’ai donc coupé court à cette expérimentation.

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