L'alliance d'une technologie discrète et d'une flânerie sylvestre. | Capture d'écran via Plaine Vallée
L'alliance d'une technologie discrète et d'une flânerie sylvestre. | Capture d'écran via Plaine Vallée

On a testé la forêt audio augmentée

Une promenade dans les bois au cours de laquelle l'histoire des lieux vous est contée par une application.

Située à une vingtaine de kilomètres de la capitale du Val-d'Oise, la forêt de Montmorency est la plus grande du département. Ancien territoire de chasse royale, l'espace naturel déploie sa faune et sa flore remarquables sur un relief vallonné parsemé de sites historiques, d'étangs romantiques et de sentiers difficilement pénétrables.

À ces richesses sylvestres, s'ajoute un atout culturel inestimable: c'est en ces lieux propices à l'introspection qu'aimait se promener Jean-Jacques Rousseau.

Une passion telle que le philosophe genevois, adepte de la rêverie solitaire et des promenades interminables, avait fui Paris –«ville de bruit, de fumée et de boue»– pour finir sa vie au pavillon d'Ermenonville, en lisière des bois.

Balade forestière connectée

Dans le neuvième livre de ses Confessions, l'apôtre de l'égalité détaille par un menu le programme de ses journées au grand air. «Je destinai, comme j'avais toujours fait, mes matinées à la copie, et mes après-dînées à la promenade, muni de mon petit livret blanc et de mon crayon (…) et je comptai bien que la forêt de Montmorency, qui était presque à ma porte, serait désormais mon cabinet de travail.»

Attirés par cette plongée dans l'univers du philosophe, autant que par la perspective d'un shoot vivifiant de chlorophylle, cinq millions de citadin·es hyper-connecté·es se rendent chaque année en forêt de Montmorency.

Une population que l'agglomération Plaine Vallée (regroupement de dix-huit communes alentour) s'est mise en tête de fidéliser par le biais d'un projet innovant baptisé «La Forêt Augmentée».

C'est une application téléchargeable pour smartphones et tablettes qui permet «de mettre en musique et en son la forêt de Montmorency», cette dernière devenant, de fait, «la première forêt en réalité audio augmentée d'Europe». Baskets aux pieds, téléphone à la main et armés de nos écouteurs, nous nous sommes laissés guider.

(Re)découvrir la forêt

Direction, le Château de la Chasse, au cœur de la forêt de Montmorency et point de départ de cette «balade géolocalisée» en «réalité audio augmentée». En ouvrant l'application, deux choix sont possibles: le «parcours découverte», sous la forme d'une visite guidée d'une heure et vingt minutes au gré des époques, des poèmes et des évocations théâtrales.

Les autres, plus téméraires, préfèreront le «parcours libre», une déambulation au fil des divers points d'intérêt disséminés dans la forêt de Montmorency. À la clef: deux expériences didactiques, immersives et poétiques. Bref, une nouvelle façon de vivre la forêt.

«L'objectif est de proposer une offre touristique de qualité à forte valeur ajoutée pour attirer les visiteurs sur le territoire de l'agglomération», nous expliquent Nathalie Mathou et Alexandre Boulet, respectivement responsable communication à Plaine Vallée et directeur de l'Office de tourisme intercommunal.

«À l'échelle du département, Plaine Vallée se positionne comme une porte d'entrée vers les autres pôles touristiques, comme Auvers-sur-Oise et l'Isle-Adam, Pontoise ou le parc naturel régional du Vexin. Pour les habitants du territoire, il s'agit de leur faire (re)découvrir différemment la richesse du patrimoine local.»

Et redécouverte il y a: à son rythme, le visiteur flâne au gré du surgissement des bruits de forêt (chant des oiseaux, aboiements de chien, cancanements ou hurlements divers) et des fragments littéraires (Rousseau bien sûr, mais également Ronsard, La Fontaine ou encore Baudelaire).

L'impression est celle de murmures apparaissant délicatement à travers le bruissement des feuillages. Il s'agit bel et bien d'une expérience, d'une déambulation à la lisière du réel et de l'onirique. Reste une question: jusqu'ici préservée du diktat technologique, la forêt doit-elle s'envisager avec un casque vissé sur les oreilles et un écran à portée de main? Le débat est ouvert.

La technologie comme outil didactique

Balayant d'un revers de main l'argument technophobe, Alexandre Boulet précise: «L'application s'inscrit à contre-courant des tendances des guides touristiques numériques accaparant l'attention des visiteurs sur leur smartphone.»

«Elle se conçoit comme un simple support au service de la flânerie: une fois l'application démarrée et son casque sur les oreilles, le visiteur peut glisser son téléphone dans sa poche pour le reste de la balade. Les musiques, commentaires audio et lectures de textes littéraires se déclenchent automatiquement en fonction de la géolocalisation du promeneur, l'invitant à porter son attention sur un arbre remarquable, une anecdote historique, une curiosité cachée.»

Le Château de la Chasse. | SP / Plaine Vallée

En tout et pour tout, il aura fallu 40.000 euros d'investissement (largement subventionné par les collectivités locales) et «un peu plus de six mois» pour concevoir et mettre en forme l'application.

«Un processus qui englobe notamment les échanges avec les divers partenaires, à l'instar de l'Office national des forêts et du Centre des arts d'Enghien-les-Bains sans oublier les “personnes ressources“, comme les historiens locaux ou encore le service départemental d'archéologie du Val-d'Oise», précise Nathalie Mathou.

La tentative n'a rien d'un one-shot. L'avenir semble tout tracé et les perspectives nombreuses. «La Forêt Augmentée a vocation à s'enrichir de nouveaux points d'intérêt et d'un nouveau parcours audio augmenté.» L'arrivée d'une déclinaison de l'application à destination du public scolaire et jeune public, serait également à l'ordre du jour.

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