«Transformez n'importe quelle page Wikipedia en un article académique extrêmement citable –sans que vos professeurs ne le sachent», promet aux élèves M-Journal, le dernier site mis en ligne par l'agence MSCHF, spécialisée dans le numérique.
Tapez le titre d'une page Wikipedia anglaise au hasard, «Pikachu» par exemple, et vous obtiendrez un article scientifique en apparence véridique. Le nôtre est intitulé «Comprendre l'impact de Pikachu sur l'humanité». Il ressemble au scan d'un livre sorti du fond d'une vieille bibliothèque universitaire –en réalité, il s'agit du contenu texte de la page Pikachu sur Wikipédia.
Le site proccure également un lien et une citation «à destination des professeurs», qui imitent les sites de revues scientifiques. En y jetant un bref coup d'œil, tous les détails sont là: la couverture de M-Journal, les références de l'article et son aperçu.
L'ironie est à son comble quand s'y adjoint le bandeau au bas de la page qui avertit la personne en visite sur le site: lire l'article en entier nécessite de s'abonner au journal.
Fake sources
Aussi élaborée soit-elle, cette farce pose deux questions très sérieuses. La première: Wikipedia est-elle une source fiable? Selon l'encyclopédie elle-même, la réponse est non. Un avis que partage la communauté scientifique –même si ses membres se servent de Wikipédia, beaucoup ne le précisent pas dans les bibliographies.
Comme l'écrivait The Independent l'année dernière: «Derrière ceux qui mettent toutes ces données en ligne [sur Wikipédia] simplement parce qu'ils en ont envie, se trouve une autre vague de bénévoles qui questionnent, demandent vérification ou surveillent constamment ce tsunami d'informations.» Wikipédia n'est pas une source sûre, mais l'encyclopédie cite celles auxquelles elle se réfère et pousse le lectorat à s'interroger sur la qualité de l'information qu'il vient y chercher.
La seconde est plus complexe encore: peut-on faire aveuglément confiance aux publications qui paraissent dans des journaux scientifiques? Le groupe indien Omics a été condamné à une amende de 50 millions de dollars (45,7 millions d'euros) pour avoir fait paraître des milliers de faux articles dans des centaines de fausses publications en avril dernier, et plus de 400.000 scientifiques avaient été publiés dans des revues factices en 2018.
Les publications sérieuses ne sont pas à l'abri. Trois scientifiques ont fait la une des magazines en octobre 2018 pour avoir réussi à publier sept articles complètement faux dans les plus grandes revues, notamment en usant d'un jargon scientifique bien étudié.
Cette blague n'est pas la première de l'agence MSCHF, qui aime provoquer la réflexion sur les problématiques sociales et technologiques avec des programmes viraux qui prêtent à rire.
Toutes les deux semaines, le mardi, l'entreprise sort un nouveau projet. Celle du 8 juillet dernier, c'était Netflix Hangouts, un programme qui vous permet de prétendre être en conférence sur Hangouts au travail pendant que vous regardez tranquillement le dernier épisode de Mindhunter. Dans deux semaines, il sera apparement question «de chaussures», révèle Gabe Whaley, le fondateur de MSCHF, à Buzzfeed News.