C'est pas l'homme qui prend la mer. | Ibrahim Boran via Unsplash
C'est pas l'homme qui prend la mer. | Ibrahim Boran via Unsplash

Le corps d'un capitaine mort voyage six mois dans la chambre froide de son cargo

Marin, le métier le plus dur du monde.

Triste histoire, du moins triste fin d'histoire, que celle de Dan Sandu, contée par un étonnant article du Wall Street Journal. Le capitaine Sandu était un marin au long cours, un homme expérimenté, avec quarante ans de navigation derrière lui.

C'est à la barre du cargo MV Vantage Wave qu'il a connu son dernier voyage: à 68 ans, le capitaine est tombé malade, et cela lui fut fatal. Pour lui, ce n'était pourtant pas tout à fait la fin du chemin, et pour son équipage, ce n'était que le commencement de noires emmerdes.

Car il a fallu six mois et treize suppliques dans autant de ports différents du monde pour qu'enfin le cargo puisse transférer le corps de son capitaine à terre puis, plus tard, que ce dernier retrouve enfin sa famille éplorée en Roumanie.

En attendant, le repos éternel du capitaine Dan Sandu a débuté dans la chambre froide du cargo, quelque part entre les légumes et la viande, où son corps a été entreposé en attendant qu'un pays accepte finalement qu'il soit débarqué. «Tout ce que nous voulions, c'était ramener notre père à la maison, déclare son fils Andrei au WSJ. Comment une telle chose peut arriver en 2021?»

Une telle chose est malheureusement commune, répond le journal. Un marin suicidé qui fait 5.000 kilomètres dans les mêmes conditions, quatre mois de voyage pour un cuisinier syrien décédé, six semaines de putréfaction pour le capitaine d'un bateau battant pavillon indonésien mais ne disposant pas de chambre froide... Les cas sont nombreux.

C'est la mer qui prend l'homme

Selon l'Organisation maritime internationale, qui dépend de l'ONU, il y a actuellement quatre corps ainsi coincés en mer, et trente-six cas de grande urgence médicale ou humanitaire. La mer est un endroit beaucoup moins impitoyable que les réglementations sanitaires internationales ou locales qui mènent à ce genre d'extrémités.

Comme l'explique le Wall Street Journal, les traités et règles internationaux ne font que peu de cas des marins malades ou morts. «Ce qui est déprimant, c'est que les marins morts n'ont absolument aucun droit, commente Jason Chuah, spécialiste en droit maritime à l'Université de Londres. C'est un énorme problème, et cela en dit beaucoup sur notre humanité.»

Le surgissement de la pandémie de Covid-19 a bien sûr un peu plus compliqué les choses pour les équipages malades ou leurs membres décédés, les ports craignant que les corps en question, vivants ou morts, ne soient des vecteurs de contamination.

Une très pragmatique question financière vient se surimposer sur tout ceci: alors que le monde logistique, en pleine surchauffe du fait de la reprise économique, manque de navires et que le transport maritime est en grande tension, le moindre écart, le moindre retard peut représenter des dizaines de milliers de dollars que les armateurs ou leurs assureurs peuvent rechigner à payer.

L'histoire du capitaine Dan Sandu est donc exemplaire de la dureté du métier de marin aujourd'hui, comme le fut celle de ces centaines de «bateaux fantômes» et des milliers d'âmes qui les peuplaient, abandonnés en mer par leurs armateurs pour d'obscures raisons, généralement financières.

Au plus fort de la crise du Covid, le WSJ note que plus d'un millier de marins étaient ainsi abandonnés en rade et au large, livrés à eux-mêmes, sans salaire ni aide quelconque, ni moyen de rentrer chez eux.

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