Le consensus fut presque total lorsque le projet a été lancé dans le cadre du forum de Davos en janvier. Même Donald Trump, dont on connaît les (courtes) vues sur les questions climatiques, s'est déclaré favorable à la Trillion Trees Initiative, une plateforme destinée à agréger les projets de reforestation en vue de la séquestration du dioxyde de carbone.
En soi, l'idée semble bonne: les arbres sont une méthode naturelle et théoriquement efficace pour absorber le CO2 de l'atmosphère, condition sine qua non pour espérer atteindre la neutralité carbone que nombre de pays, entreprises ou villes visent pour 2050.
Comme l'explique pourtant la Technology Review du MIT, si ces efforts de reforestation sont indispensables, ils pourraient n'être que les mille milliards d'arbres qui cachent la forêt de l'immobilisme.
Bonne conscience écologique
«Ça invite les gens à voir le plantage d'arbres comme un substitut» aux changements profonds dont nos économies ont besoin pour échapper à la catastrophe écologique, expose Jane Flegal de l'Université d'État de l'Arizona.
Outre le risque de mettre sous le tapis l'urgente transition vers des systèmes décarbonés, la revue note que l'initiative se heurte à des obstacles logiques. Le premier est le temps. Une start-up du tourisme, Hopper, a annoncé souhaiter planter quatre arbres pour chaque voyage aéroporté réservé via sa plateforme.
Noble initiative, mais une forêt ne pousse pas en un jour: Hopper estime ainsi qu'il faudra vingt-cinq ans pour que ces arbres jouent pleinement leur rôle compensateur. Dans le même temps, le CO2 continuera d'autant plus à être émis que les consciences seront caressées dans le sens de l'écologie par cette promesse de neutralité différée.
Un autre obstacle est d'ordre territorial. Dans le cas des États-Unis, qui a émis 5,8 milliards de tonnes de gaz à effet de serre en 2018, la Technology Review du MIT estime qu'il faudrait 155 millions d'hectares de nouvelles forêts pour compenser les émissions –soit plus de deux fois la taille du Texas.
Les terres compatibles avec une reforestation ne sont pas infinies: selon les calculs des National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine, le potentiel maximal de séquestration aux États-Unis serait de 250 millions de mètres cubes par an, soit 1/23 de ce qui est émis.
La permanence de la reforestation est également remise en question, en particulier dans un contexte d'incendies géants en Amazonie ou en Australie. Un arbre qui meurt relâche une grande partie du CO2 qu'il avait stocké –et tout est à refaire.
Enfin, la Technology Review note que la comptabilité de telles opérations est impossible à anticiper. De nombreuses études et enquêtes ont conclu à une surestimation de la capacité d'absorption initialement imaginée, posant le risque que les émissions augmentent si rien d'autre n'est prévu pour les freiner.