Face à internet, où tout peut s'obtenir facilement et gratuitement, les bouquets de chaînes de télévision n'ont jamais eu aucune chance. Pourquoi payer des dizaines d'euros pour le câble ou un DVD alors que tout est accessible n'importe où, n'importe quand et à l'envi?
Netflix, et les sites qui ont répété sa formule après elle, semblaient avoir trouvé la parade. Contre un montant peu élevé, un nombre considérable de films et de séries étaient désormais disponibles à volonté, en HD, sans peur du gendarme ni de la durée de téléchargement.Tout le monde s'y est mis: des studios, tels que Disney ou la Warner, aux entreprises de la tech, dont Apple et Amazon, qui anticipent leur avenir dans l'offre de services.
Résultat, là où Netflix régnait en maître et représentait le service par défaut, le marché va très bientôt se segmenter de nouveau. Un retournement qui pourrait pousser les internautes à renouer avec le piratage d'antan.
Broadband Genie, un site anglais qui compare les offres des fournisseurs d'accès, a sondé 1.500 personnes qui utilisent les plateformes de streaming à propos la manière dont elles se servent du service de vidéo à la demande. Parmi elles, 18% affirment utiliser des sites de streaming ou de téléchargement illégal (14% occasionnellement et 4% souvent). Dans l'éventualité où le marché continuerait de se fragmenter, 37%, soit le double, pensent qu'ils se tourneraient vers le piratage.
Nouvel âge d'or de la piraterie
Ces résultats rejoignent ceux d'une étude publiée en mars 2019 par Deloitte, un cabinet d'audit et de conseil, qui estimait que près de la moitié de la population américaine qui consomme souffre de la subscription fatigue, à savoir la frustration de devoir multiplier les abonnements pour trouver son bonheur.
«Maintenant que la disponibilité n'est plus un problème pour la plupart des marchés, le prix et la praticité sont devenus les critères les plus importants», explique à Motherboard Ernesto van der Sar, dont le site Torrent Freak est spécialisé dans l'actualité du piratage.
Or, d'après le sondage de Broadband Genie, les plus gros problèmes que pose la multiplication des services sont, dans l'ordre: le prix (48%), l'obligation de surfer entre plusieurs applis (28%) et la difficulté à trouver les programmes que l'on veut regarder (18%).
Plutôt que de voir le piratage comme une anomalie à éliminer (ce qui a été essayé, sans grand succès), il vaut mieux l'envisager comme l'un des concurrents avec lesquels il faut compter sur le marché. Dès lors que le prix sera trop élevé ou que la complexité nuira au bonheur des utilisateurs, le public se tournera vers la solution la plus simple.
Cela ne semble pas pour autant annoncer une crise du streaming légal. Puisque le piratage agit comme un concurrent dans un marché où la norme est de cumuler les abonnements, il y a des chances que les internautes restent abonné·es à un ou deux sites... et piratent le reste.