La bataille de la Tchernaïa (1855), lors de la guerre de Crimée. | Domaine public via Wikimedia Commons
La bataille de la Tchernaïa (1855), lors de la guerre de Crimée. | Domaine public via Wikimedia Commons

L'alcool ravage l'armée russe, et ce n'est pas nouveau

Une vieille tradition de vodka et de cuisantes défaites.

Début avril, le ministère britannique de la Défense –qui prend assez peu de pincettes pour conspuer la qualité des armées russes– expliquait dans l'un de ses points quotidiens que l'un des plus dangereux ennemis des troupes de Moscou était l'alcool qu'elles consommaient sans réserve.

«Le 27 mars 2023, une chaîne Telegram rapportait qu'il y avait eu un nombre “extrêmement élevé” d'incidents, de crimes et de morts liés à la consommation d'alcool dans les rangs russes», affirmait le renseignement britannique, qui notait que l'hypothermie, les accidents de la route et les manipulations maladroites d'armes avaient également fait nombre de victimes.

La consommation d'alcool en grand excès est un thème que l'on croise régulièrement depuis le début de la tentative d'invasion à grande échelle de l'Ukraine par son voisin russe. Les Ukrainiens tombés sous le joug de leurs tortionnaires ont régulièrement pu le constater: très recherchée lors des rapines et mises à sac, la bibine n'a pas joué un petit rôle dans les exactions commises par les forces du Kremlin –comme à Boutcha.

Mais les choses ont encore empiré depuis le début de la conscription de masse, décidée par Vladimir Poutine pour suppléer à des soldats tombant par milliers dès les premières semaines de la guerre. Nombre de vidéos ont ainsi circulé montrant des appelés fin saouls, bagarreurs, pas vraiment motivés, semblant plus prêts à en découdre avec leur commandement qu'avec l'ennemi ukrainien.

«Nous avons fini par reconnaître leurs voix. La nuit, nous entendons beaucoup de hurlements alcoolisés, généralement des insultes», décrit un soldat ukrainien dans un article du Washington Post sur la manière dont lui et ses camarades testent les résistances ennemies, en vue d'une prochaine contre-attaque.

Même Vladimir Poutine, coupe de champagne à la main, s'est laissé aller, en décembre et devant les caméras, à quelques violentes confidences, promettant d'une voix alcoolisée et après une frappe massive des structures civiles ukrainiennes qu'il allait continuer à arroser le pays de missiles.

Guerre et paix et booze

La situation est donc très sérieuse, et ce, au point que les autorités russes ont fini par essayer d'interdire le commerce d'alcool dans certaines des régions ukrainiennes sous leur contrôle, comme le relatait le commandement en jaune et bleu en juillet 2022.

Et si l'armée russe est loin d'être la seule à avoir connu et à connaître les affres de l'alcool, l'histoire montre que le problème n'est pas nouveau et qu'il lui a déjà joué de très vilains tours. Dans une interview donnée à Business Insider et dans un texte écrit pour Politico, l'historien Mark Lawrence Schrad, auteur notamment de Vodka Politics – Alcohol, Autocracy, and the Secret History of the Russian State, est revenu sur cette relation mortelle entre les spiritueux et l'art militaire russe.

Selon lui, si la guerre de Crimée, qui s'est déroulée de 1853 à 1856, s'est transformée en déroute pour Moscou, c'est en grande partie à cause de l'alcool qui imbibait déjà l'ensemble de la hiérarchie russe, du plus modeste des troufions au plus gradé des généraux. Même chose pour la bataille de Mukden (1905) lors de la guerre russo-japonaise, qui a vu une armée russe en large surnombre se faire renverser par son ennemie nippone.

«Les Japonais sont tombés sur plusieurs milliers de soldats russes si saouls qu'ils ont pu les passer à la baïonnette comme autant de porcs», se lamentait alors la presse de Saint-Pétersbourg, comme le rappelle Mark Lawrence Schrad dans Politico. «Le Japon n'a pas conquis, mais l'alcool a triomphé. L'alcool, l'alcool», notait quant à lui un journal viennois.

Dans une nation où le contrôle exclusif de la production de vodka était l'une des principales ressources financières d'un État autocratique, la bibine était partout, tout le temps –et notamment avec chaque conscrit de chaque conflit. Conscient des ravages, le tsar a bien tenté d'imposer une prohibition lors de la Première Guerre mondiale. Mais celle-ci a été abandonnée dès l'arrivée de Joseph Staline au pouvoir.

Devenu, comme dans de nombreux autres pays dans le monde, un problème endémique à la société russe, l'alcoolisme a été à nouveau «importé» dans la guerre par les conscrits russes. «Quand la Russie a lancé sa conscription de masse en 2022, ce fut la même chose qu'en 1904-1905 ou lors de la Première Guerre mondiale», précise Mark Lawrence Schrad à Business Insider. «Les gens sont arrivés à moitié saouls à leurs convocations, se sont battus avec les recruteurs et ont continué à boire sans s'arrêter, jusqu'aux lignes de front.» Avec l'efficacité que l'on connaît.

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