User les Russes jusqu'à la rupture. Mais à quel prix? | John Moore / Getty Images Europe / AFP
User les Russes jusqu'à la rupture. Mais à quel prix? | John Moore / Getty Images Europe / AFP

À Bakhmout, les effroyables souffrances des forces ukrainiennes

La Russie n'est pas la seule à s'user dans la lutte.

Bakhmout plie, mais Bakhmout ne rompt pas. C'est, depuis des mois, la musique brutale et mortelle que l'on entend jouer depuis la petite ville de l'oblast de Donetsk, devenue point de fixation majeur d'un front où la Russie et l'Ukraine ont par ailleurs peu progressé.

La rumeur d'un retrait ordonné des troupes ukrainiennes, dépassées par l'alliance des militaires du Groupe Wagner et d'autres, plus redoutables et mieux entraînés, issus des rangs officiels de l'armée russe, s'est un temps faite jour.

Mais si l'Ukraine modifie ses positions au sein de la ville, elle ne l'abandonne pas. Alors que les forces armées en jaune et bleu expliquaient avoir été frappées 130 fois par l'ennemi russe en vingt-quatre heures, l'administration de Volodymyr Zelensky et le président lui-même ont annoncé, une fois de plus, qu'elles enverront de nouvelles troupes défendre Bakhmout, coûte que coûte.

Les combats s'y poursuivent donc, avec une violence et une frénésie indicibles que peinent à retranscrire les quelques vidéos crues, tournées sur le vif et visibles ci-dessous.

Le flou et le noir

Il est difficile de lire avec une grande clarté les intérêts des uns et des autres dans cette attaque et cette défense acharnée de Bakhmout. C'est d'autant plus vrai que, comme l'expliquait récemment l'historien militaire Cédric Mas, une «offensive informationnelle» est en cours du côté russe, afin de plonger l'Ukraine et, surtout, ses soutiens occidentaux dans les affres du doute et de la négativité.

À cela, il faut ajouter les rodomontades d'Evgueni Prigojine, le patron du Groupe Wagner, qui est entré dans sa propre logique politique et dans une bruyante guerre de clans avec d'autres personnages russes du conflit, comme le blogueur et ancien militaire Igor Guirkine. Voire avec l'armée russe elle-même.

Plus tout à fait en odeur de sainteté au Kremlin, qu'il n'hésite plus à attaquer frontalement mais qui semble vouloir le reprendre en main, Evgueni Prigojine se répandait de nouveau dans d'acrimonieux messages vidéo.

Dans ces derniers et dans le désordre, il se plaint une fois de plus de la «famine de munitions» que lui impose le ministère russe de la Défense, se révèle furieux que l'un de ses adjoints n'a pas eu le droit de pénétrer dans le QG de «l'opération spéciale» ou menace d'un effondrement du front russe si, par mégarde, il retirait l'ensemble de ses troupes de Bakhmout.

Le poids des morts

La situation à Bakhmout est si peu claire que même l'Institute for the Study of War (ISW), cercle de pensée basé à Washington DC et très fin observateur du conflit, semble ne pas toujours savoir sur quel pied danser. Après avoir pressenti un retrait ukrainien, l'institut s'est ainsi ravisé, en même temps que les autorités de Kiev annonçaient ne pas vouloir laisser tomber la «forteresse Bakhmout».

Selon l'ISW, s'il y a un retrait des forces ukrainiennes, celui-ci est graduel et a pour objectif d'user un peu plus encore les forces que la Russie envoie par vagues incessantes sur les positions de Kiev, sans compter les morts et quitte à ne les armer que d'armes légères ou de pelles.

Mais pour l'Ukraine et Volodymyr Zelensky, cette décision de prolonger le combat, de tenir le plus longtemps possible, ne viendra pas sans un prix politique et moral possiblement assez lourd.

Alors que, comme de nombreux autres observateurs et acteurs occidentaux du conflit, le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin a expliqué qu'un départ de Bakhmout n'aurait une incidence que symbolique, le pouvoir central ukrainien n'en démord toujours pas.

Et alors qu'on concentre depuis des mois les regards sur les effroyables pertes et souffrances des troupes russes et des recrues sorties de prison du Groupe Wagner, un récent article du Kyiv Independent vient lui aussi jeter une lumière très crue sur ce que subissent les défenseurs ukrainiens de la ville –il leur faut tenir une position intenable.

Le journaliste Igor Kossov est ainsi aller interroger de nombreux soldats –mais, cette fois, sans le filtre du service de presse des armées de Kiev. Les pertes en hommes sont décrites comme lourdes. «Quand vous allez sur une position, tu n'as même pas 50% de chance d'en sortir vivant, plutôt 30/70», explique un militaire. Un autre décrit un bataillon initialement composé de 500 hommes, mais duquel seulement 150 sont encore en vie.

Comme leurs ennemis russes, les soldats interrogés se lamentent d'un manque criant de munitions et d'appui de l'artillerie. Ceux-ci expliquent devoir parfois s'en remettre à des mortiers vieux de plusieurs décennies.

Ils décrivent aussi certaines des techniques russes. Envoyées à une mort certaine, deux ou trois recrues de Wagner rampent en direction des positions des troupes ukrainiennes, pour dévoiler leurs emplacements. Avant que les armes lourdes russes ne se mettent en branle pour les réduire à néant.

Dans cette guerre devenue pour partie urbaine, les maisons sont rasées une à une par les troupes du Kremlin, parfois avec des militaires ukrainiens piégés sous les décombres. Bloc après bloc, les abris commencent à manquer. La grogne monte et l'Ukraine paie le prix fort pour cette farouche défense.

Le bilan est lourd à encaisser, mais c'est peut-être un prix à payer: en ne lâchant pas tout de suite sa position et en continuant à user, coûte que coûte, des armées russes elles-mêmes exsangues, peut-être prépare-t-elle au mieux les coups suivants.

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