Dans une rare tribune offerte au média ukrainien Ukrinform, le plutôt taiseux mais réputé très talentueux patron des armées de Kiev, le général Valeri Zaloujny, a prévenu qu'un conflit nucléaire «limité», donc le déclenchement d'une troisième guerre mondiale, n'était pas tout à fait à exclure.
Écrit à quatre mains avec le lieutenant-général Mykhailo Zabrodskyi, député qui dirige la commission militaire du Parlement, l'éditorial publié par Ukrinform revient sur les six premiers mois de la guerre déclenchée par la Russie et anticipe les formes qu'elle pourrait prendre à l'avenir.
Après les événements ahurissants de mars autour de Tchernobyl et alors que la situation reste périlleuse près de la centrale nucléaire de Zaporijia, depuis le cœur de laquelle l'armée russe continue, semble-t-il, de lancer des missiles, les deux hommes notent le peu de cas que font les armées de Moscou et leur chef Vladimir Poutine de la sécurité atomique globale.
Depuis des mois, le même Poutine fait planer la menace de frappes nucléaires tactiques. Menace qui pourrait d'ailleurs gagner en crédibilité à mesure que les armées russes sont mises en difficulté –et ces derniers jours, tout semble indiquer qu'elles le sont.
#Ukraine Les images de la débâcle russe à Balakliya affluent de toutes parts : prisonniers, matériels abandonnés…
— cedric mas (@CedricMas) September 7, 2022
Cela confirme les informations d’une panique et d’une déroute des forces RUS (Supplétifs DPR & LPR, SOBR de l’Oural…). https://t.co/3gmXWxyV4x
Dos au mur
Les frappes ukrainiennes de plus en plus profondes en territoires occupés, comme celle du 9 août sur la base de Saki, en Crimée, que Kiev a fini par officiellement revendiquer au travers de cette publication dans Ukrinform, ainsi que la contre-offensive énergique des armées de Kiev dans la région de Kherson, doublée d'une autre rebuffade surprise dans la région de Kharkiv, plus au nord, mettent la Russie dans une position stratégique plus que délicate.
«Il est difficile d'imaginer que des frappes nucléaires seraient suffisantes pour que la Russie brise la volonté de résistance de l'Ukraine, écrivent les militaires dans le média ukrainien. Mais la menace qu'elles font planer sur l'ensemble de l'Europe ne peut être ignorée.»
Il existe «une menace directe de l'usage, dans certaines circonstances, d'armes nucléaires tactiques par la Russie», poursuivent-ils. «La possibilité d'une implication directe des principales puissances mondiales dans un conflit atomique “limité”, rapprochant la perspective d'une troisième guerre mondiale, ne peut pas être totalement exclue.»
Les deux hommes, qui peignent également l'horizon d'une guerre longue à laquelle le Pentagone se prépare activement, ont tout intérêt à agiter ce chiffon nucléaire rouge et russe.
Cette crainte, partagée depuis des mois par le patron de la CIA William Burns, constitue une pression supplémentaire sur les nations aidant l'Ukraine pour qu'elles lui fournissent des armements à portée beaucoup plus longue que ceux envoyés jusqu'ici, à l'instar des missiles ATACMS.
Si la perspective de telles frappes nucléaires tactiques constitue un excellent axe de propagande pour Kiev, elle n'est pour autant, effectivement, pas totalement surréaliste. Alors que la Crimée ou le Donbass ne menaçaient pas encore d'être éventuellement repris par l'Ukraine, Vladimir Poutine n'a-t-il pas lui-même ordonné à la dissuasion russe d'être sur le pied de guerre?