La contre-offensive victorieuse des armées ukrainiennes dans l'oblast de Kharkiv était-elle, comme elles l'ont expliqué au Guardian, le résultat d'une grande opération de duperie, mettant le Sud sous grande pression et au centre de la propagande, pour mieux reprendre un Est dégarni?
Nul ne peut le dire avec certitude: cette explication pourrait être elle-même une nouvelle diversion de la part du commandement ukrainien, afin de mieux plonger les troupes russes dans la confusion et continuer à grignoter du terrain aux alentours de Kherson.
Une chose est cependant certaine: avec plus de 3.000 kilomètres carrés de territoire regagnés en quelques jours d'une offensive rapide et audacieuse qui les ont menés jusqu'à la frontière russe historique, et à portée de canon de Belgorod en territoire ennemi, les forces ukrainiennes ont réalisé un exploit militaire qui risque de rester quelque temps encore dans les mémoires.
Ukraine’s border with Russia is not even manned with troops on the Russian side. Russia’s army in the entire region is in disarray, to the point that they can’t even defend one of their own border crossing points in Belgorod Oblast.
— Euan MacDonald (@Euan_MacDonald) September 12, 2022
Let that sink in. https://t.co/ne3m8HcFlh
As the Ukrainian forces retake the border with Russia north of #Kharkiv, Belgorod - a city of almost 400,000 people - gets closer and closer to Ukrainian artillery range. pic.twitter.com/L9AMhzIt2K
— The Intel Crab (@IntelCrab) September 11, 2022
La séquence marquera en particulier la mémoire des soldats russes qui ont dû l'essuyer. Partout, le même mot revient ainsi pour décrire ce qui s'est passé: un effondrement total, une déroute, une débandade. Le Financial Times a ainsi recueilli les propos de Petro Kuzyk, l'un des commandants à la manœuvre de cette estocade majeure.
«Notre contre-attaque a été préparée de longue date. Nous avons dégradé leur potentiel avec des frappes continues et précises. Le commandement à Kiev a aussi distrait les Russes en leur faisant penser que la grande contre-offensive aurait lieu dans le Sud», explique-t-il.
Déroutant
Kuzyk décrit surtout une fuite dans un grand désordre qui, en sus de la victoire militaire, offre aux troupes ukrainiennes des montagnes d'équipements et de munitions, forcément précieuses pour les semaines à venir.
Absolutely crazy; over ten Russian tanks and other armoured vehicles abandoned in Kharkiv.
— Jimmy (@JimmySecUK) September 11, 2022
The oak leaves emblem of the supposedly elite 4th Guards "Kantemirovskaya" Tank Division can be seen on the turret of an abandoned T-80U...pic.twitter.com/oWU9BkNqtd
«Nous espérions le succès, mais nous ne nous attendions pas à un comportement si lâche», décrit encore, acerbe, le gradé ukrainien. «Ils ont abandonné des chars et de l'équipement... ils se sont même emparés de bicyclettes pour s'enfuir. Que l'armée russe soit à ce point mal en point a rendu notre travail plus simple; ils ont fui comme des sprinters olympiques.»
De fait, deux vidéos ont beaucoup amusé, sur les réseaux sociaux, les observateurs ahuris par une telle débandade. La première montre effectivement, comme décrit par Petro Kuzyk, des soldats russes s'emparer de vélos pour tenter d'échapper à l'avancée ukrainienne.
Russians flee from the Ukrainian attack on bicycles stolen from villagers pic.twitter.com/90rgW5aPkz
— Вікторія Яструб 🇺🇦 ꑭ (@VictoriaYastrub) September 5, 2022
L'autre montre un char des troupes de Moscou lâcher en pleine panique et à grande vitesse les militaires qui le chevauchaient, puis emplafonner un arbre dans une scène qui, si elle n'était issue d'une vraie guerre avec de vrais morts, aurait tout de la pure comédie.
#Ukraine
— Tamir Hussein (@timBc13) September 9, 2022
A Russian tank is hysterically fleeing from one of the areas controlled by the Ukrainian forces!!!🤣🤣🤣 pic.twitter.com/vhXzuTuVy8
Avec ceux plus dignes montrant, un peu partout en territoires reconquis, les locaux accueillir leurs libérateurs avec force joie, soulagement, larmes et parfois, pastèques, ce type de document sera à n'en pas douter un boost pour le moral des troupes – et de la population générale.
Militaires comme civils en auront sans doute besoin dans les prochaines semaines et les prochains mois, alors que d'autres fronts les attendent. Car la Russie qui, en réponse et par vengeance, a bombardé dimanche 11 septembre une centrale de Kharkiv pour plonger plusieurs régions du pays dans le noir et le froid, n'a sans doute pas dit son dernier mot.
Dans ses propres rangs pourtant, les critiques commencent à fendre la carapace de la propagande: même le Tchétchène Ramzan Kadyrov, allié de Poutine parmi les alliés de Poutine, s'est permis de tancer le commandement russe pour son échec.