Vous avez peut-être déjà entendu parler de Task Force Rusich, notamment lorsque le groupuscule armé a publié un petit précis de la torture des prisonniers de guerre ukrainiens, en septembre dernier. Il n'est pas impossible que vous en entendiez à nouveau parler très vite.
Certains médias comme le Guardian rapportent que la milice néonazie, liée au Groupe Wagner et, de manière moins directe, au Kremlin, cherche à réunir des informations militaires et sensibles à propos des forces armées et patrouilles aux frontières des pays Baltes: la Lituanie, l'Estonie et la Lettonie.
Le rapprochement est immédiat: autrefois membres de l'Union soviétique, les trois nations font désormais partie de l'OTAN et une quelconque attaque contre elles pourrait provoquer de vives réactions de la part des camarades de l'Alliance atlantique, pour dire le moins.
Task Force Rusich, milice clairement néonazie, dont les horreurs en Syrie ont été amplement documentées, est désormais engagée sur le terrain en Ukraine, où elle dit faire du sabotage et de la reconnaissance. Elle a fait appel à ses sympathisants sur son compte Telegram –le post a été lu par plus de 60.000 personnes–, demandant des renseignements sur les unités militaires placées aux frontières lituaniennes, estoniennes ou lettones, sur leurs proches ou sur leurs véhicules, sur la position de dépôts de carburant, de tours de télécommunication ou de systèmes spécifiques de sécurité.
Les Gremlins du Kremlin
Il pourrait donc assez clairement être question de la préparation d'un acte terroriste contre un pays de l'OTAN –ou du moins d'une publicité bruyamment diffusée autour de l'idée d'un telle opération, qui pourrait provoquer une escalade et des réactions encore difficiles à imaginer.
Cette demande intervient par ailleurs au moment même où l'administration Biden réfléchit à officiellement désigner le Groupe Wagner comme terroriste, quelques semaines après une horrible exécution filmée puis des menaces sanglantes envoyées au Parlement européen. Par ailleurs, le pouvoir, l'influence et l'autonomie au Kremlin du patron dudit groupe, Evgueni Prigojine, semble s'affirmer de semaine en semaine.
Auprès du Guardian, des sources ayant préféré conserver l'anonymat expliquent que cette demande «extraordinaire» et ces mouvements suspects de Task Force Rusich peuvent être compris comme les signaux d'une frustration grandissante vis-à-vis de l'action militaire du Kremlin et du leadership de Vladimir Poutine.
Mais du signal à l'action, il pourrait n'y avoir qu'un pas si le Kremlin perdait totalement le contrôle de ses appendices d'extrême droite (Task Force Rusich ou le Groupe Wagner lui-même). La même source note néanmoins qu'il est peu probable que le gouvernement russe soit directement impliqué dans cette quête de renseignements sensibles de la part de la milice néonazie, ses propres services disposant sans doute déjà de ces informations.
«Est-ce que cela montre une fragmentation au sein du système russe?», s'interroge la source anonyme interrogée par le Guardian. «Que se passera-t-il si la Russie perd le contrôle de ses groupes paramilitaires, et qu'ils se mettent à commettre des actions indépendantes qui pourraient provoquer une escalade? La vraie question est: le Kremlin contrôle-t-il encore pleinement les choses?» Elle se pose, effectivement.