Visibles ci-dessous et très partagées ces derniers jours sur les réseaux sociaux, des vidéos de soldats russes s'adressant directement au président Vladimir Poutine ont fort logiquement provoqué quelques remous.
Comme le relate The Guardian, le commandant d'une nouvelle unité formée par le ministère russe de la Défense y accuse sa hiérarchie d'avoir mis en place des «troupes barrières» (barrier troops en anglais) pour bloquer toute velléité de retraite de soldats craignant pour leur vie, malgré de lourdes pertes et quelles que soient les circonstances.
Russian soldiers from the "Storm" unit, consisting of both convicts (and likely some mobilised), formed by Russian MoD, published a video revealing they were purposefully sent into slaughter during the assault of Vodyane while blocking units prevented their retreat. The unit… pic.twitter.com/J3citHJOpQ
— Dmitri (@wartranslated) March 24, 2023
Artillery mobiks really want to fight and "defend their motherland", but the "General Staff" won't let them. For some reason, they're being sent into meat assault. pic.twitter.com/38TBOUq8ED
— Dmitri (@wartranslated) March 12, 2023
Nommée «Storm», constituée de vétérans au cuir épais et à la grande expérience de combat, ladite unité a été formée en janvier 2023, avec pour objectif spécifique de «briser les secteurs défensifs les plus complexes [...] des forces armées d'Ukraine», expliquait alors le ministère.
Mais cette glorieuse unité «Storm» a en réalité été décimée dans des assauts sans queue ni tête, ni intelligence ni fin. On pense en particulier à la 155e brigade d'infanterie de marine russe, détruite et reconstituée huit fois depuis le début de l'«opération spéciale».
«Nous avons été sous les tirs de mortier ennemis pendant quatorze jours. Nous avons subi des pertes énormes. Trente-quatre soldats ont été blessés et vingt-deux ont été tués, dont notre commandant», affirme ainsi l'un des orateurs visibles dans ces vidéos, identifié par le Guardian comme étant le soldat russe Alexander Gorin.
Dans n'importe quelle armée, on procéderait à une retraite pour bien moins que cela. Mais pas dans la descendante de la glorieuse Armée rouge qui, sous la menace de l'effondrement face aux nazis, a dû obéir à l'Ordre n°227 stalinien et à son fameux «Pas un pas en arrière!» en 1942.
Tout ça pour ça
Selon Alexander Gorin, et suivant une accusation déjà apparue plus tôt dans le conflit, des camarades placés en arrière de leurs positions à Vodiane (oblast de Donetsk) étaient chargés de les contraindre à se maintenir sur la ligne de front, au cas où ils soient saisis par l'étrange désir de survivre et, un jour, de revoir les leurs.
«Ils ont placé des troupes barrières derrière nous et ne nous laissent pas quitter nos positions. Ils menacent de nous anéantir un par un et en tant qu'unité. Ils veulent nous exécuter, nous qui sommes les témoins d'un leadership criminel et négligeant», est-il dénoncé dans cette vidéo, d'abord apparue sur Telegram.
Certains des militaires expliquent même avoir dû, dans certains cas, donner de l'argent à leurs supérieurs afin de ne pas être envoyés dans les coins les plus meurtriers du front. «Notre hiérarchie est une organisation criminelle, il n'y a pas d'autres mots pour décrire ça», accuse un autre soldat, que le quotidien britannique identifie comme étant un homme du nom de Serguei Moldanov.
Malgré les précédents scandales, les choses continuent donc comme elles ont commencé du côté du commandement russe: dans le massacre de masse des soldats, sans considération pour leur vie. Ce type de vidéo ou de complainte fait régulièrement surface, et le moral est à l'évidence au plus bas. Un climat sacrificiel pas tout à fait idéal pour mener une offensive efficace, avec ou sans les supplétifs eux aussi mortels et dispensables déployés par le Groupe Wagner.
À Bakhmout (oblast de Donetsk), qui tient toujours et où la situation serait «stabilisée», ces vagues ininterrompues de chair à canon n'ont pourtant pas donné grand-chose, sinon de lourdes pertes du côté des troupes de Kiev et d'autres bien plus massives encore du côté russe.
La situation dans la ville martyre du Donbass est telle et les forces russes sont si exsangues qu'après avoir si longtemps frôlé la capture, la cité pourrait être le lieu d'une autrefois très improbable contre-attaque des troupes ukrainiennes –du moins si l'on en croit les paroles du haut gradé ukrainien Oleksandr Syrsky sur sa chaîne Telegram.
Les regards se tournent désormais vers la localité d'Avdiivka (oblast de Donetsk), décrite comme dans un état «post-apocalyptique», où le Groupe Wagner a semble-t-il en partie été redéployé, où les combats font rage et où la Russie pourrait tenter une percée comme à Bakhmout. Avec les mêmes résultats?