Les États de l'Union européenne auront tardé à s'entendre sur la réponse à apporter à la crise économique causée par le Covid-19. Un accord a finalement été trouvé après cinq jours de discussions à Bruxelles, mais les négociations ont été particulièrement âpres.
Les Pays-Bas, l'Autriche, le Danemark et la Suède contestaient le plan de relance et souhaitaient attribuer les aides financières sous forme de prêts plutôt que de subventions, alors que le reste de l'Union misait sur une mutualisation de la dette.
Les réfractaires se sont eux-même surnommés les «Frugal Four», les «quatre frugaux». Moins poli, Libération titrait lundi 20 juillet «Les radins font de la résistance» et évoquait «un coup de grippe-sous».
Même le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, pestait sur Twitter contre l'«égoïsme» de Mark Rutte, le premier ministre néerlandais, autour de qui les quatre se sont rassemblés.
Mais les nordistes ont eux aussi leurs stéréotypes. «L'Italie doit apprendre à se débrouiller seule», a par exemple déclaré Rutte dans une interview au Corriere della Sera. Aux Pays-Bas, les États d'Europe du Sud sont couramment appelés les «pays Club Med».
Questions existentielles
Dans un article publié sur le site de l'ONG openDemocracy, la géographe politique Luiza Bialasiewicz souligne que ces clichés ont toujours été centraux dans les relations européennes. Ce fut notamment le cas lors la crise financière de 2008.
Les stéréotypes sont également instrumentalisés par les pays du Nord en politique intérieure. Lorsque le Premier ministre italien Giuseppe Conte s'est rendu à La Haye le 10 juillet, il a été accueilli par Geert Wilders, le leader de l'extrême droite néerlandaise, une pancarte «Pas un centime pour l'Italie» à la main.
Mais la droite radicale n'est pas la seule. Le magazine le plus populaire du pays, EW, a récemment publié en couverture l'image d'un couple batave en train de travailler tandis qu'un autre, méditerranéen, se prélasse au soleil. La couverture a fait scandale en Italie, où beaucoup ont pointé du doigt le statut de paradis fiscal des Pays-Bas.
Comme le note Bialasiewicz, ces poncifs cachent en réalité des questions bien plus existentielles pour l'Union européenne que de savoir qui travaille le plus. Les États du Nord insistent pour davantage de responsabilité individuelle, une valeur typiquement libérale, là où les autres plaident pour plus de solidarité.
C'est cette problématique que les négociations autour du plan de relance ont mise en exergue. L'Europe ne doit-elle être qu'un marché où chacun avance ses intérêts ou bien une entité plus unie et fédérale?