Un des principaux fabricants de vélos, l'Américain Trek Bicycle Corporation, vient de publier son premier rapport de développement durable, qui contient un bilan des émissions de gaz à effet de serre de l'entreprise. Trek devient ainsi le premier grand fabricant de vélos à publier un tel document, là où la plupart des entreprises se contentent de vagues engagements sur la durabilité ou vantent leur action en matière d'énergies renouvelables ou de réduction des déchets.
Il est vrai que l'on peut difficilement soupçonner le vélo d'être un gros pollueur. Pourtant, le rapport décortiqué par un blog spécialisé en cyclisme sur le site du Guardian offre des révélations riches d'enseignements.
On y apprend que la fabrication d'un vélo Trek génère en moyenne 174 kilos d'équivalent CO2. D'après les calculs de l'entreprise, il faut rouler 430 miles (692 kilomètres) pour «rentabiliser» ces émissions. Autrement dit, vous n'aurez compensé les émissions produites par la fabrication de votre vélo qu'au bout de 692 kilomètres que vous auriez autrement parcourus en voiture.
Le bilan est certes bien plus avantageux que pour la voiture: une étude néerlandaise a montré en 2020 qu'il faut rouler au moins 30.000 kilomètres pour compenser les gaz à effet de serre liés à la seule fabrication de la batterie d'une Tesla Model 3.
La moyenne de 174 kilos cache toutefois de fortes disparités: alors qu'un vélo d'entrée de gamme produit moins de 100 kilos d'équivalent CO2, le moindre ajout de fonctionnalité vient alourdir la facture.
Obsolescence programmée
L'électrification ajoute ainsi environ 65 kilos d'équivalent CO2 aux émissions de production. Un vélo en fibre de carbone produit trois fois plus d'émissions que son équivalent en aluminium. Enfin, le vélo de montagne à assistance électrique Rail 9.9 remporte la palme avec plus de 320 kilos de CO2 émis. Cela reste évidemment bien moins qu'une petite voiture électrique de type Golf, qui génère environ 9,7 tonnes d'équivalent CO2, et jusqu'à plus de 13 tonnes pour la fabrication d'un SUV.
En y regardant de plus près, ce bilan carbone très favorable souffre de plusieurs biais. La règle des 692 kilomètres édictée par Trek est fortement sujette à caution. «Bien que [Trek] présente ses vélos comme une alternative aux autres moyens de transport, beaucoup de ses modèles sont en réalité utilisés pour les loisirs, voire comme un produit de luxe, souligne le Guardian. Certains d'entre eux sont même acheminés en voiture à l'endroit où ils seront utilisés.» Ce qui, au lieu d'éliminer des gaz à effet de serre, va en ajouter.
D'autre part, les fabricants de vélos pratiquent au même titre que les entreprises de téléphones portables l'obsolescence programmée, en sortant chaque année de nouveaux modèles avec des améliorations minimes (parfois même, un simple changement de couleur).
Bref, les fabricants de vélos ne sont pas différents des autres entreprises et fonctionnent sur le même système peu vertueux. Mais avec une bien meilleure image.