Les déboires des voyageurs prenant l'avion se résument normalement au bagage perdu par la compagnie et introuvable sur le carrousel, au retour gris de vacances colorées, ou aux interminables heures d'attente ennuyée dans les hangars froids de non-lieux aéroportuaires quelconques.
Mais ceux qu'ont expérimenté les passagers d'un vol supposé rallier d'une traite Los Angeles à Sydney le 31 décembre sont beaucoup, beaucoup plus amusants. Et si certains voyageurs s'en sont, semble-t-il, plaint sur le moment, il est à peu près certain que tous raconteront leur mésaventure avec grande joie à leurs proches et camarades tant l'histoire est curieuse.
Le vol en question est celui de United Airlines, précisément le 829. Après avoir décollé de LAX, et ainsi que le raconte le Guardian, les pilotes ont eu une inquiétude technique suffisamment sérieuse –une fuite hydraulique sur l'un des réacteurs– pour les pousser à chercher un point de chute, afin de procéder à une escale imprévue mais nécessaire.
Une option s'est présentée: l'île de de Tutuila, dans les Samoa américaines, archipel au beau milieu de l'océan Pacifique mais bel et bien en territoire états-unien. Par chance, la piste était tout jute assez longue pour permettre au Boeing 787-9 de se poser, et la position de l'endroit sur le globe permettait aux passagers de l'avion de ne pas passer par la toujours pénible case douane et immigration.
#UA839, Los Angeles-Sydney, diverting to Pago Pago. The aircraft is scheduled to depart 40 minutes after landing, so possibly an onboard medical emergency. https://t.co/p5tSsLFDJk pic.twitter.com/0AE23W8pYF
— Flightradar24 (@flightradar24) December 30, 2022
— Mr. Sypio1 🏴☠️ (@Sypio1) December 30, 2022
C'était nécessaire: l'escale au total a duré vingt-et-une heures, le temps que la compagnie envoie un nouvel aéronef sur l'île du Pacifique. Un laps de temps suffisant pour râler un peu, car qui ne râlerait pas dans ces circonstances, mais surtout pour aller se dégourdir les jambes afin de découvrir un coin paradisiaque et des locaux particulièrement accueillants.
L'Anomalie
Le père de l'une des passagères du vol 829 de United a ainsi expliqué, sur Twitter, que sa fille avait pu se doucher à l'aérodrome, puis était allée boire des bières sur l'une des plages désertes d'une île que l'on vous met au défi de placer sur une carte sans tricher. Passée l'inquiétude légitime, il y a donc pire détour que celui-ci.
My daughter is now stranded, United decided to fly another plane in from LAX…should depart 3am 12/31 Pago Pago time. They showered at hanger, got tour of Island and drinking beers on deserted beach.
— Rick Lechtman (@rlechtman) December 31, 2022
La mère et grand-mère de trois des passagers du vol, Leonie Butta, a décrit un peu plus en détails la manière dont les Samoans ont accueilli ces touristes inattendus. «Ils leur ont apporté à manger, les ont amenés dans un endroit avec une piscine, et mon fils m'a expliqué qu'ils leur avaient apporté de la bière, rapporte-t-elle au Guardian. Il se marre en parlant de sa bière et des filles qui nagent dans la piscine. Et ils ont écrit un journal de leur voyage pour quand ils seront de retour à l'école. Pour eux, ça a été une aventure –avec une belle fin.»
Une belle fin mais pas de milieu, car c'est là la cerise sur le gâteaux: la situation géographique très particulière de la ville de Pago Pago, sur un fuseau horaire situé à quelques encablures de la ligne de changement de date, a fait que les passagers du vol 829 de United Airlines n'ont pas vu l'année 2022 s'achever pour laisser place à 2023.
Le vol de remplacement, baptisé UA3032, s'est envolé de Pago Pago à 3h du matin le 31 décembre, et a mené ses passagers à bon port, à Sydney, à 7h15 le 1er janvier. Mais la cartographie et l'organisation humaine sont ainsi faites que, peu après son décollage de la petite île du Pacifique, l'avion s'est retrouvé projeté le 1er janvier à 4 h du matin. Et ce sans passer par la case minuit. Ce fut ainsi, pour ces gens, un bien curieux réveillon, presque digne de L'Anomalie de Hervé Le Tellier.