Du goût, des idées et beaucoup de travail: la recette du succès d'Andrew Rea. | Binging With Babish
Du goût, des idées et beaucoup de travail: la recette du succès d'Andrew Rea. | Binging With Babish

Binging With Babish, quand YouTube nous apprend à cuisiner les plats de nos séries préférées

La recette est simple, mais encore fallait-il bien la réaliser.

C'est devenu un rituel: tous les mardis, des centaines de milliers de personnes se rendent sur YouTube et regardent une vidéo de trois à dix minutes, où l'on peut voir un homme à la voix grave et au visage caché en train de cuisiner.

Cet homme-tronc, dont le visage, la barbe fournie et le crâne chauve apparaissent parfois lorsqu'il se penche pour finalement goûter ses plats, c'est Andrew Rea, alias Oliver Babish, le créateur de la chaîne Binging With Babish, six millions d'abonné·es au dernier décompte en février 2020.

Étant donné son pseudo (Oliver Babish est un personnage mineur dans The West Wing), il semblait presque évident que sa chaîne allait se consacrer à un sujet bien particulier: la nourriture dans nos films et séries préférées. Le chili de Kevin dans The Office, la sauce Szechuan de Rick et Morty, mais aussi les pasta aglio et olio qui ont conquis Scarlett Johansson dans Chef... Au total, près de 200 vidéos de recettes, publiées au rythme d'une par semaine depuis presque quatre ans. Sans compter les tutoriels et les rencontres avec ses fans.

Dans son premier livre, Eat What You Watch, Andrew Rea revenait sur les raisons qui l'ont poussé à reprendre sa chaîne YouTube en 2016. «J'ai toujours été curieux à ce sujet. Sans le savoir, j'ai passé ma vie entière à cultiver un amour profond du cinéma et de la cuisine. Quand les deux se sont retrouvés presque accidentellement dans ma cuisine, je savais que j'avais trouvé ma voie.»

À l'époque, expliquait-il en décembre dernier à CBS, il n'allait pas bien: «Je vivais une vilaine dépression. Je n'étais pas heureux dans mon mariage et j'avais besoin d'un exutoire créatif. Je n'étais pas heureux tout court.»

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, Andrew Rea n'a pas quitté les arrière-cuisines d'un restaurant pour le web. Il n'est d'ailleurs jamais passé par aucune école culinaire, mais par une école de cinéma. Il a travaillé pendant une dizaine d'années en tant que spécialiste d'effets vidéos, avant de publier une vidéo, un peu par hasard.

Le miracle du sandwich de Ross

«Je n'avais pas prévu de créer une émission de cuisine, expliquait-il à Ash Tulett en août 2017. J'avais acheté le matériel de lumières et caméras pour travailler en freelance. En mettant tout en place dans ma cuisine, je trouvais que ça allait bien. Et je venais de voir un épisode de Parks and Rec, où Ron et Chris font un concours de burgers. Je me suis demandé quel goût ça aurait. Je n'avais prévu de faire qu'un seul épisode. Les gens ont aimé. Je crois qu'il y a eu quelque chose comme 10.000 vues, ce qui était génial. Donc je me suis dit que j'allais continuer.»

À ses débuts, il tentait de faire grandir sa chaîne en promouvant chacune de ses vidéos en les postant sur divers subreddits (videos, food), qu'il continue de fréquenter. Mais il a fallu un peu de temps avant que son concept ne trouve un public plus large.

C'est quand il s'est intéressé au sandwich de Thanksgiving de Ross, que l'on peut voir dans Friends, en novembre 2016, qu'Andrew Rea a vu arriver de plus en plus de gens sur sa chaîne, comme il l'expliquait au Washington Post, en août 2017: «C'est là que je me suis rendu compte que je ne faisais pas uniquement ça pour un public de niche, mais que c'était quelque chose qui pouvait potentiellement toucher beaucoup de monde.»

Ce concept est d'ailleurs la raison principale de son succès. En mélangeant cuisine et pop culture, il a su toucher toute une génération, qui se définit par ces films et séries. La chaîne Why It's Trending détaille d'ailleurs parfaitement le procédé: «Sélectionner une cible est une partie intégrale de son émission. C'est ce qu'on peut lire dans le titre et voir dans l'aperçu et dans les quinze premières secondes de chaque épisode. À chaque nouvel épisode, Babish vise des fandoms énormes et ultra-dévouées. Cela veut dire que chaque semaine, son émission a la possibilité de convertir ces personnes qui le regardent pour la première fois en des abonnés fidèles.» C'est ce que Why It Works appelle «l'effet de chevauchement d'audience».

Pour Rea, c'est d'ailleurs ce qui permet à son émission de continuer à gagner des abonné·es quatre ans après son lancement et qui va lui permettre de durer encore un moment.

«Je crois que Binging With Babish ne finira pas comme Epic Meal Time [dont le concept a fini par un peu s'essoufler] parce qu'il y a le côté pop, culture qui lui permet d'être toujours d'actualité, expliquait-il à Ash Tulett. Et même sans rebondir sur les différentes sorties, il y a toujours des classiques. D'une certaine façon, je suis protégé de l'obsolescence pendant un moment encore.»

Travailleur acharné

Mais ce n'est pas la seule raison de son succès. Au-delà du fond, Binging With Babish se distingue sur la forme. Il expliquait récemment que ses vidéos requièrent vingt à soixante heures de travail. Lui qui reprochait aux vlogs de Tasty de partir parfois dans tous les sens se concentre sur la nourriture (ce qui explique en partie, selon lui, l'absence de son visage du cadre) d'une façon concise et anglée.

Why It Works détaille également comment l'esthétique de Binging With Babish se distingue par son côté très propre, sa palette de couleurs utilisée et son cadre qui jouent sur l'attrait du public pour sa chaîne. Trois points où l'on peut légitimement penser que les études et l'ancien travail de Rea ont joué un rôle crucial.

Le résultat, c'est donc un peu plus de six millions d'abonné·es, 54 millions de vues par mois, et des chiffres qui continuent de croître, selon Social Blade.

Forcément, une telle renommée attire les yeux des vieux médias. Selon le Guardian, plusieurs chaînes lui ont fait les yeux doux et lui ont proposé des émissions télé. Lui a refusé, et a préféré monter son propre studio, Binge Entertainment. Avec celui-ci, il produit ses deux autres émissions Basics With Babish, où il apprend aux personnes qui la regardent les rudiments de la cuisine, et Being With Babish, où comme tout bon YouTubeur, il part à la rencontre de ses fans.

«J'ai tellement d'idées sur ce que les émissions de cuisine peuvent être dans le monde du streaming», disait-il à Ash Tulett, il y a un peu plus de deux ans. «Le monde du divertissement change très vite. La façon dont on consomme les médias aussi. Et je veux être en première ligne du divertissement culinaire.»

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