Le nom de PewDiePie a été associé à la tuerie de masse de Christchurch en Nouvelle-Zélande, le 15 mars 2019, au cours de laquelle un suprémaciste blanc a abattu des dizaines de personnes de confession musulmane dans une mosquée.
Sur son livestream Facebook, le tueur poussait les personnes qui composent son audience à s'inscrire à la chaîne du YouTubeur: «Souvenez-vous, les gars, abonnez-vous à PewDiePie», conseillait-il. Quelques semaines plus tard, Walif, un homme accusé d'avoir tué une femme dans une synagogue à Poway en Californie, écrivait dans un manifeste: «J'ai eu l'aide d'un homme nommé Felix Arvid Ulf Kjellberg» –le vrai nom de PewDiePie.
Il n'existe strictement aucune preuve que PewDiePie ait participé de près ou de loin à ces tueries. Mais celles-ci montrent que, quelle que soit la vérité, le YouTubeur est devenu un symbole pour les nationalistes extrémistes, les suprémacistes blancs et l'alt-right.
Le protégé de YouTube
Kevin Roose n'a pas non plus de réponse dans son passionnant portrait de PewDiePie, le YouTubeur le plus regardé au monde, publié par le New York Times. Il ne peut émettre que des hypothèses et le sentiment que le cataloguer comme fasciste serait oublier de prendre en compte l'histoire de YouTube, de la communauté des trolls sur internet et l'immaturité du personnage.
«YouTube m'a tout donné», s'émeut PewDiePie dans l'une des vidéos où il se félicite d'avoir atteint 50 millions de comptes abonnés. Pour Roose, la relation entre PewDiePie et YouTube est l'une des principales raisons à l'origine de la complexité du personnage.
Comment faire la part du vrai et du faux lorsque le meilleur moyen de grossir sur la plateforme est de pousser toujours plus les limites? Créée en 2010, sa chaîne explose sur la plateforme comme aucune autre auparavant pour atteindre le million de personnes abonnées en 2012.
Entre 2012 et 2014, la publicité lui rapporte 4 millions de dollars (3,62 millions d'euros) et il signe un contrat avec Maker Studio, une subdivision de Disney.
Dans ses vidéos, il joue à des jeux vidéo, crie, s'énerve, insulte. À cette époque, YouTube lui pardonne tout –y compris les blagues dans lesquelles il suggère qu'il va rejoindre ISIS ou celle où il parle de «violer» ses adversaires dans les jeux vidéo. Il génère un énorme trafic sur la plateforme, lui permettant de rester à flots face à Facebook ou Netflix.
Blagues antisémites et racistes
Il franchit définitivement les limites en 2016 en portant un t-shirt affichant des croix gammées, «une blague avec des amis, dont un juif, et en plaisantant au sujet de Hitler. Si je regarde en arrière, c'était une bulle prête à exploser –une bulle de “jusqu'où peut-on aller?”», explique-t-il à Kevin Roose.
«Je pense que YouTube à cette époque était un endroit où personne ne savait vraiment où se trouvait la limite.» Les gens qui travaillent ou connaissent Kjellberg à cette époque ne pensent pas vraiment qu'il soit antisémite. Ils supposent que les blagues sur les nazis sont les plus offensives –donc les plus drôles–, auxquelles lui et ses proches peuvent penser.
PewDiePie, toujours, s'excuse et regagne les faveurs. Aujourd'hui encore, Kjellberg ne sait pas quoi faire de l'influence qu'il exerce sur ses plus de 100 millions d'abonné·es. «Dans sa tête, il est juste un gars normal, a qui il est arrivé de devenir célèbre», interprète Kevin Moose.
Kjellberg a-t-il déjà pensé à supprimer sa chaîne? «Ne me tentez pas», répond la star de YouTube, avant de clarifier qu'il ne le ferait pas vraiment. «L'extrémisme est juste une idée parmi d'autres avec lesquelles il joue de temps en temps», conclut Kevin Moose.