Lorsque l'on pense à une société de surveillance généralisée, le regard pointe généralement vers l'Orient, en particulier la Chine. Le pays est l'un des plus avancés au monde dans la création et la généralisation d'un système de notation sociale, a transformé une ville en immense prison pour la population ouïghoure et exporte son «État-surveillance» technologique vers toutes les autocraties qui le réclament.
Sans même évoquer le cas français, auquel nous avons consacré un premier article en juillet, nul besoin de chercher à l'autre bout du monde pour découvrir une nation plaçant des millions de ses citoyen·nes sous le regard inquisiteur de caméras et logiciels discrets.
Londres juste derrière Pékin
Le Monde s'est ainsi intéressé à la situation britannique qui, après des révélations du Financial Times en août, a occupé les journalistes ainsi que des associations et institutions pour la défense des libertés, inquiètes de ce qui était dévoilé par ces révélations en série.
Le quotidien français rappelle que Londres, maintes fois frappée par des attentats, est déjà particulièrement bien dotée en caméras publiques. Selon une étude de la Brookings Institution américaine, la capitale anglaise comptait 420.000 «CCTV cameras» en 2017: seule Pékin la devançait alors, avec 470.000 appareils.
La police britannique, dans le Grand Londres ou au Pays de Galles, a mené ses propres essais. Ce qui inquiète désormais est la multiplication des expérimentations plus ou moins secrètes menées dans divers espaces publics par des acteurs privés.
Les exemples sont nombreux. Le Financial Times a révélé que la société Argent testait dans la plus grande opacité des systèmes de reconnaissance faciale à King's Cross, l'un des points de transit les plus animés de Londres. Le quartier d'affaires Canary Wharf préparerait un dispositif équivalent.
Selon la presse britannique ou l’ONG Big Brother Watch, qui parle d'«épidémie», des tests ou installations auraient également vu le jour à Manchester, Birmingham, Sheffield, Liverpool, dans des centres commerciaux, des musées, des quartiers d'affaires, des stades, des casinos et officines de paris, où se rendent des millions de personnes.
Surveillance privée
À chaque fois, les systèmes sont gérés par des sociétés privées, sans contrôle ni véritable cadre législatif. L'ICO, équivalent britannique de la CNIL, s'est dite «profondément inquiète» de la situation. «Scanner les visages des gens pour les identifier alors qu'ils s'occupent en toute légalité de leur vie quotidienne est une menace potentielle à la vie privée qui devrait nous préoccuper tous et toutes», a écrit Elizabeth Denham, patronne de l'institution, dans un communiqué publié le 15 août.
La situation est d'autant plus préoccupante que, explique Le Monde, la population britannique semble être d'ores et déjà désensibilisée à ces questions cruciales, comme l'a montré une enquête du London Policing Ethics Panel, monté par le maire de Londres.
Celles et ceux qui ont regardé la géniale série Years and Years verront dans cette actualité un lien très direct avec l'angoissante dystopie qu'elle dessine.