Maverick et (feu) son coéquipier Goose ont-t-il réellement pu voir un MiG-28 prendre, en piqué, 4 g négatifs? La question vous hante peut-être depuis 1986 et la sortie du premier Top Gun et alors que sa suite, longtemps repoussée pour cause de Covid, pointe le bout de ses missiles avec un atterrissage en salles obscures prévu le 27 mai à 00:00 GMT (et des poussières).
Une telle interrogation n'est pas tout à fait illégitime. Après tout, outre sa grande qualité de film homo-érotique pop et subversif, le premier volume des aventures de Pete «Maverick» Mitchell a fasciné des millions de jeunes gens. Soudainement, une génération se voyait attirée par ces flèches volantes, fascinée du jour au lendemain par les avions de chasse, la postcombustion, les «Fox 1! Fox 1!» et les «dogfights», ces combats à portée de canon auxquels les pilotes de l'académie du film s'entraînent tels les gladiateurs modernes des cieux de métal.
C'est donc la question que s'est posée –et qu'a posé– le site américain Popular Mechanics. Mis à part le fait que le MiG-28 n'a jamais pu prendre, en piqué, 4 g négatifs puisqu'il n'a jamais existé (dans les films il s'agit de Northrop F-5E déguisés en méchants soviétiques), il était temps d'en avoir le cœur net sur le réalisme et la part de fantasme des cabrioles de Maverick, Iceman et compagnie.
Si le film comporte par ailleurs son lot d'erreurs et incongruités, la réponse est d'abord plutôt oui, du moins pour le premier épisode et selon l'ingénieur en aérodynamique et pilote acrobatique Bernardo Malfitano, interrogé par Popular Mechanics.
Tonneaux barriqués, ciseaux plats ou ciseaux tournoyants, lacets et yo-yos, cabrage instantané inspiré de l'incroyable «Cobra de Pugachev» du Su-27 soviétique, tout est réel. «Vous seriez surpris d'apprendre que le premier film est plutôt réaliste en ce qui concerne la physique et les manœuvres, explique le pilote. Ils ont filmé la grande majorité du film avec de vrais avions réalisant de vraies choses, pas des maquettes ou des effets numériques.»
Deux exceptions cependant. La vrille à plat, qui dans le film coûte sa vie à Goose, aurait été trop dangereuse à reproduire avec de vrais aéronefs et pilotes. En outre, la fameuse rencontre, à quelques dizaines de centimètres, entre le F-14 américain en vol inversé et le MiG-28 soviétique ahuri par tant de bravoure yankee, aurait lui aussi été difficilement réalisable.
«Il aurait fallu que les deux empennages du F-14 enserrent celui du F-5, détaille Malfitano. Même si c'est physiquement possible, ce serait si précaire que la situation pourrait rapidement échapper aux pilotes, par exemple par une réaction de succion et de rapprochement soudain des avions, plus rapidement qu'il n'auraient pu réagir.»
Négatif, il y a du monde dans la boucle
Popular Mechanics, si besoin était, précise que Tom Cruise et ses camarades acteurs n'ont bien sûr pas eux-mêmes piloté les engins du film. Ils ont en revanche bien été entraînés à subir la violence qu'encaissent les corps lors de telles manœuvres, afin de permettre le tournage de séquences réalistes à bord des F-18 cabriolants de Top Gun: Maverick, le second épisode à venir dans quelques semaines.
Selon le producteur du film, Jerry Bruckheimer, l'acteur principal du film aurait été le seul à supporter la force g maximale à laquelle ses partenaires et lui ont été soumis, en bon Tom Cruise qu'il est.
Qu'en est-il des quelques instants de Top Gun: Maverick que l'on a pu contempler dans les bandes-annonces parues jusqu'ici? Hélas, le réalisme ne semble plus réellement de mise, constate Bernardo Malfitano.
Alors que Maverick vole désormais sur un F/A-18, pas le plus récent des avions malgré sa grande compétence, on le voit par exemple effectuer un «backflip» bien plus audacieux encore que ne l'était le «cobra du Pugachev». Une figure si audacieuse qu'elle semble impossible au pilote interrogé, même avec le système de poussée vectorielle qui confère au F-22 Raptor ou au Su-30 russe, par exemple, une manœuvrabilité exceptionnelle.
Malfitano note également que dans la bande-annonce, on aperçoit le Cruise porter une combinaison spéciale, pour semble-t-il prendre les commandes d'un avion expérimental, possiblement hypersonique.
Là aussi, et sauf si Top Gun: Maverick constitue la plus longue publicité au monde pour un aéronef jusqu'ici inconnu et secret, on quitte le domaine du réalisme aéronautique pour entrer dans celui du fantasme pur ou de l'avenir très incertain. Bouderons-nous notre plaisir (un peu coupable) pour autant? Sans doute pas.