En juillet 2000 sortait le Power Mac G4 Cube, un objet informatique non identifié, véritable petite pièce d'art industriel mais retentissant échec commercial.
Le Cube était le résultat fou des envies de Steve Jobs, qui avait repris les rênes d'Apple trois ans plus tôt, et de celles de Jony Ive, le patron du design de l'entreprise. En matière de conception, les ingénieurs n'avaient pas eu leur mot à dire.
L'objet était compact et entièrement cubique, d'une dimension de vingt centimètres de côté; il était équipé d'un lecteur CD vertical qui aspirait les disques à la manière d'un grille-pain –une première à l'époque– et d'un bouton d'allumage tactile.
L'ordinateur était accompagné d'enceintes sphériques transparentes et n'avait pas été doté de bruyants ventilateurs, que Jobs haïssait, mais d'un discret système de refroidissement à l'air.
Merveille d'esthétisme, le G4 Cube était malheureusement trop peu calibré pour le marché d'alors et surtout beaucoup trop cher, avec un prix minimum de 1.799 dollars, soit 15.550 francs de l'époque –l'équivalent de 3.100 euros aujourd'hui.
«Personne n'a jamais rien créé de tel»
Dans Wired, Steven Levy raconte avec humour le jour où Steve Jobs en personne lui a présenté sa nouvelle machine. Dans un enregistrement conservé par le journaliste, le fondateur de l'entreprise à la pomme lui assure: «Nous avons créé l'ordinateur le plus cool du monde.»
«Il n'y a jamais rien eu de tel. Comment tu fabriques un truc comme ça? Personne n'a jamais rien créé de tel. N'est-ce pas magnifique? Je pense que c'est éblouissant», continue-t-il, extatique.
Si Steven Levy reconnaît la beauté du Cube, il est plus sceptique sur son intérêt pour le public. Il interroge Jobs: «Qui va l'acheter?» «C'est facile! Une tonne de personnes qui sont des pros, rétorque le PDG d'Apple. Tous les designers vont en vouloir un.»
Las, l'histoire lui a donné tort: seuls 150.000 exemplaires du Power Mac G4 Cube ont finalement été vendus –la faute à son prix rédhibitoire, mais aussi à des fonctionnalités hasardeuses.
Le Cube ne fut pas le seul échec d'Apple, loin s'en faut: on pourrait également citer l'Apple III, premier bide de l'entreprise en 1980, le Macintosh TV, le Newton ou le Lisa, lancé à près de 10.000 dollars en 1983.
L'une des forces de Steve Jobs tenait à sa capacité à surmonter ces revers en s'adaptant en permanence aux réalités, quitte à devoir abandonner des produits cher à son cœur.
C'est Tim Cook, le nouveau PDG d'Apple, qui en parle le mieux: «Steve pouvait être le plus fervent défenseur d'une position et, dans les minutes où les jours suivants, si une nouvelle information était dévoilée, vous auriez pu croire qu'il ne l'avait jamais défendue auparavant» –de quoi passer rapidement à autre chose et se lancer de nouveaux paris, avec le succès que l'on connaît.