La vénérable armée britannique se prépare pour la guerre du futur. Elle ne recrute pas des troupes fraîches à tour de bras en prévision d'un grand conflit classique et global. Bien au contraire: elle compte se réformer en coupant dans ses effectifs humains, afin de rediriger les budgets vers la «guerre cyber» (drones, robots, satellites, intelligence artificielle, etc.), et vers une probable augmentation de son stock de têtes nucléaires.
Le ministère de la défense britannique a publié un plan d'orientation budgétaire nommé «Defence in a Competitive Age», dans lequel il détaille ses volontés post-Brexit.
Comme le rapporte le Financial Times, l'objectif affiché est la transition entre une mobilisation massive traditionnelle et «la rapidité de l'ère de l'information, la disponibilité et la pertinence», la Chine et la Russie étant pointées comme les deux menaces les plus directes.
La mesure la plus symbolique, peut-être la plus difficile à faire passer politiquement, est le rapetissement sensible des effectifs humains. Ce sont près de 10.000 soldats et soldates dont le Royaume-Uni compte ainsi se passer d'ici 2025, pour un total souhaité de 72.500 militaires: «L'armée la plus réduite qu'ait eue le pays depuis des siècles», commente le quotidien britannique.
Moins d'humains, plus de puces
C'est donc du côté de la technologie que le gouvernement Johnson compte mettre le paquet. Les engins roulants, volants ou flottants les plus anciens seront remisés au placard. Les 700 exemplaires en service du fameux tank Warrior devraient ainsi être mis à la retraite, au prix d'une casse sociale importante.
Si vingt-quatre (pas si) vieux Eurofighter Typhoons seront mis sur la touche, le projet d'avion du futur Tempest, à l'avenir jusqu'alors incertain, bénéficiera en revanche d'un bonus surprise de deux milliards de livres (2,3 milliards d'euros), ce qui pourrait contribuer un peu plus à l'implosion du SCAF, son concurrent continental.
Le document est en revanche flou sur l'avenir britannique du F-35 américain, dont d'autres exemplaires devraient être commandés, mais en quantité bien moindre que ce qui avait été initialement prévu.
La Royal Navy semble être la grande gagnante de cette réorganisation, bénéficiant d'un confortable surplus budgétaire de près de deux milliards d'euros annuels –de quoi accompagner les désirs de «renaissance» maritime claironnés il y a peu par Boris Johnson.
Le document offre peu de détails concrets sur les armements futuristes visés par le gouvernement britannique, mais un budget de 3,5 milliards d'euros devrait permettre de se payer quelques rutilants drones, robots, logiciels ou lance-missiles de nouvelle génération.
À ceci s'ajoute une dimension spatiale se rapprochant des ambitions de Donald Trump avec l'US Space Force. La rondelette somme de 5,8 milliards d'euros a été ainsi budgétée pour de nouveaux satellites militaires, destinés à accompagner la cyber-mue de l'armée de Sa Majesté.
Quant au nucléaire, la question n'est pas directement abordée dans cette loi d'orientation, mais l'a été récemment par Boris Johnson. À rebours de toute idée de non-prolifération, le Royaume-Uni compte ainsi augmenter le nombre maximal de têtes nucléaires dont il peut se doter.
Estimé à 195, le stock de ces armes atomiques devait chuter à 180 d'ici 2025. Il pourra au contraire grimper jusqu'à 260, sans que le pays ne publie de décompte officiel, afin de maintenir une «ambiguïté volontaire» dans les quartiers généraux des puissances rivales. Ça promet.