Au mois d'août 2019, la Papouasie occidentale s'est à nouveau embrasée. Après l'arrestation de quarante-trois étudiant·es papou·es –et des injures racistes qui l'auraient accompagnée– à Surabaya (Java occidental), des manifestations ont rapidement dégénéré en émeutes.
Le président indonésien Joko «Jokowi» Widodo a alors décidé d'instaurer un black-out, coupant internet dans une partie du territoire.
Quand l'Indonésie est officiellement devenue indépendante en 1945, la Papouasie occidentale est restée sous contrôle néerlandais. Amsterdam avait promis aux Papou·es leur propre indépendance à terme, mais en 1962, l'Indonésie a brisé cet espoir en annexant la région par la force.
Depuis, la Papouasie occidentale est occupée militairement et soumise à un régime d'exception. Un conflit armé y oppose les indépendantistes de l'Organisation pour une Papouasie libre (OPM) aux forces de l'ordre indonésiennes, principales responsables des nombreuses exactions –qui, selon Mediapart et Disclose, sont facilitées par des équipements français. Au moins 100.000 personnes ont été tuées depuis 1962.
Dans ce contexte, la décision du président Jokowi de bloquer l'accès à internet dans quarante-deux villes papoues entre le 21 août et le 4 septembre 2019 a jeté de l'huile sur le feu.
Décision illégale et disproportionnée
«En janvier [2020], l'Alliance des journalistes indépendants (AJI), le Réseau d'Asie du Sud-Est pour la liberté d'expression (SAFEnet) et la Fondation indonésienne pour l'aide juridique (YLBHI) ont porté plainte contre le président ainsi que le ministère de l'Information et des Communications», relate le Jakarta Post.
Le 3 juin, le tribunal administratif de Jakarta a jugé illégale la coupure d'internet en Papouasie occidentale, sanctionnant ainsi directement le président Joko Widodo.
Selon la décision, le gouvernement aurait dû déclarer l'état d'urgence avant de prendre une telle décision, conformément à une loi de 1959. Il a par ailleurs échoué à démontrer que les évènements survenus dans le territoire correspondaient bien à une telle situation.
«Les juges ont également déclaré que toute décision restreignant le droit des personnes à l'information devrait être prise conformément à la loi et non pas simplement à la discrétion du gouvernement», poursuit le journal.
L'exécutif indonésien avait invoqué la propagation de fausses informations et de contenus illégaux pour justifier le black-out. Le tribunal a souligné qu'il fallait combattre ceux-ci en utilisant l'arsenal juridique existant et en supprimant les publications contraires à la loi, pas en coupant intégralement internet. Il est des évidences qu'il faut parfois rappeler.