171 milliards de dollars (160 milliards d'euros): c'est ce que pourrait coûter, au minimum, l'implication australienne dans le programme Aukus, alliance stratégique et technologique avec le Royaume-Uni et les États-Unis destinée à fournir à Canberra huit sous-marins à propulsion nucléaire.
Une bagatelle, donc. Mais, surtout, un énorme flou qui a de quoi faire sourire les autorités françaises, quelque peu roulées dans la farine quand un contrat avec Naval Group avait été dénoncé par l'Australie en 2021. Car malgré le prix évoqué du programme, l'Australie ne sait toujours pas à quoi l'avenir de sa marine submersible ressemblera, ni dans quels navires il se dessinera.
Premier ministre australien, Anthony Albanese pourrait faire d'importantes annonces en mars, lors d'une visite aux États-Unis. D'ici là, le programme Aukus reste «une boîte noire», explique au Guardian Tom Corben, un analyste spécialiste de la défense et des questions internationales de l'Université de Sydney.
L'embarras du choix
Les inconnues sont nombreuses. Le sous-marin australien du futur sera-t-il de conception américaine, britannique, ou sera-t-il une création hybride entre les trois nations?
Rien n'est simple. Les États-Unis travaillent actuellement sur les remplaçants des submersibles de la classe Virginia. Nommés SSN(X), ces nouveaux navires à propulsion nucléaire seront plutôt imposants, avec 140 mètres de longueur, un poids de 10.000 tonnes et un équipage de plus de 130 hommes. Ce pourrait être trop pour l'Australie, qui cherche à maîtriser ensuite ses coûts opérationnels.
La Grande-Bretagne aussi planche sur l'avenir. De son côté, ce sont les sous-marins de la classe Astute qu'il s'agit de remplacer, avec un projet nommé SSN(R). Problème: le SSN(X) ne sera pas prêt avant les années 2040, et le SSN(R) n'en est encore qu'à la phase de design et de définition des spécifications.
L'Australie, dont les propres navires de classe Collins sont de vieillissants objets, risque donc de se retrouver quelque temps le bec dans l'eau et sans aucun nouveau navire à mettre en service.
C'est d'autant plus vrai que, une fois le deal Aukus signé, les États-Unis comme la Grande-Bretagne ont signifié que leurs chantiers navals, en difficulté, n'auraient sans doute pas la capacité de produire lesdits sous-marins pour la cousine d'Océanie: si elle ne le peut pas elle-même, qui produira les nouveaux sous-marins de l'Australie?
Comme l'explique Peter Briggs, analyste et ancien patron du Submarine Institute of Australia, Canberra a besoin de douze navires en tout. «Nous sommes une nation à deux océans, et nous en avons besoin de six sur chaque côte. Avec six, on en a deux prêts en permanence à prendre la mer», détaille-t-il. Il fait référence à la règle de trois du domaine: un navire en mer, un autre qui se prépare à y aller, un troisième qui est en maintenance après sa mission.
Douze navires: c'est précisément la quantité qu'avait commandée l'Australie à la France et à Naval Group. Qui, au vu de ces complications, remontrent le bout de leur nez, car sait-on jamais: en novembre 2022 lors d'un voyage à Bangkok, Emmanuel Macron a ainsi affirmé que le contrat dénoncé en 2021 «restait sur la table» et qu'une coopération demeurait possible. C'est peu probable, mais chiche?