4 avril 2034. Si vous comptez bien, la fin du mois est dans vingt-six jours et, parce que vous ne comptez justement pas bien, votre solde en banque affiche déjà du négatif en rouge écarlate.
Large comme le Pacifique, le découvert est tel que certains paiements ne peuvent pas être prélevés –c'est le cas de la 67e traite de la petite Ford électrique que vous vous êtes achetée à la sueur de votre crédit à la consommation (TAEG 38%) pour vous rendre au travail.
Depuis une dizaine de jours, votre auto vous envoie des signaux sonores très énervants. Avant-hier, c'est la climatisation qui s'est mise à l'arrêt. Ce matin, patatras: habillé et coiffé de près, la tête encore un peu vaporeuse et vous tenant sur le perron de votre porte, vous voyez éberlué le véhicule démarrer seul et quitter le quartier. Direction? Direction la banque, en gros: après tout, vous n'aviez qu'à payer.
Un scénario de science-fiction? Peut-être. Ou du moins pour l'instant. Car comme l'explique The Drive, Ford a déposé en 2021 un brevet, rendu public ces derniers jours, imaginant très précisément un système de la sorte.
Soit des véhicules capables de «punir» les mauvais payeurs, voire de procéder à une sorte de saisie autonome (une «repossession» ou «repo», en anglais) si les traites ne finissent pas par débouler sur les comptes de vos débiteurs.
Ford «Christine»
Il ne s'agit bien sûr que d'un brevet, pas d'un projet: la protection d'une idée, au cas où. Pourtant, Ars Technica racontait quelque chose d'assez proche il y a quelques jours: le système Car-Net de Volkswagen a initialement refusé de transmettre à un shérif de l'Illinois les coordonnées GPS d'un véhicule dans lequel pouvait se trouver un enfant enlevé, au prétexte que l'option n'avait pas été payée.
Le brevet de Ford est néanmoins d'une grande précision: s'il ne sert pas à un prochain véhicule, il fera un excellent scénario de film dystopique en milieu suburbain américain.
Comme expliqué de manière imagée un peu plus haut, un système d'avertissements est prévu, car après tout, la pitié n'est pas tout à fait absente de ce monde.
Si ceux-ci ne sont pas suivis d'effet, donc d'un paiement, on passe au bâton. L'automobile, qui peut communiquer avec des concessions ou banques ou créditeurs via internet, peut désactiver certaines de ses options, des plus anodines (le limitateur de vitesse, le lecteur multimédia...) aux plus précieuses (la climatisation, qui sera quelque peu utile lorsqu'il fera 67°C au printemps).
Cela n'a pas suffi ou, sans doute plus probablement, ça n'a pas fait pousser de coquettes sommes d'argent dans votre compte en banque? Elle peut alors se fermer à vous, jusqu'à ce que vous finissiez par vous acquitter de la douloureuse somme.
De manière encore plus étrange, The Drive note que le brevet n'oublie pas de mentionner les cas d'urgence, en particulier celui d'une crise cardiaque ou de ses prémisses: dans ce cas, la voiture pourra s'ouvrir, mais un système de caméra s'activera pour vérifier que vous ne feignez pas l'infarctus (on vous connaît).
Et puisque, dans ce brillant futur, les automobiles seront autonomes, les créditeurs peuvent sonner le rappel s'ils estiment qu'ils ne vous doivent plus la moindre chance de vous racheter, littéralement, une conduite. Le véhicule s'en ira donc tout seul vers d'autres horizons: ce peut être une concession, les locaux d'une entreprise de recouvrement, une place de parking sécurisée ou un remorqueur qui viendra ensuite la chercher.
Du moins, si le véhicule a encore de la valeur. Car le brevet stipule clairement que si le débiteur estime que l'auto ne vaut plus un clou ou que les coûts de sa saisie dépassent ceux de son éventuelle revente, celle-ci pourra directement aller se garer à la casse, ou du moins au dépotoir. Vivement le futur.