Bien que des manipulations crapuleuses ne soient jamais impossibles, les choses étaient autrefois plus simples. Vous désiriez acheter un véhicule d'occasion? On vous présentait son kilométrage, vous pouviez vous faire une vague idée de l'état de son moteur et de ses mécaniques, donc de son espérance de vie, donc de son prix.
Comme l'explique Motherboard, les véhicules électriques ont tout chamboulé. Et ce pour une raison simple que n'ignore aucune personne ayant été en possession d'un smartphone vieillissant à recharger toutes les deux heures. C'est-à-dire à peu près tout le monde, car tous les modèles ne fonctionnent qu'avec suffisamment de batterie.
Or, les batteries électriques ont une «santé»: un nombre de cycles de recharge au-delà duquel leur chimie commence à se dégrader, ce qui affecte grandement leur autonomie, point décisif d'un éventuel achat.
Il est souvent impossible pour la personne qui acquiert un véhicule de connaître avec certitude l'état de telles batteries. Il ne peut que s'en remettre à la confiance envers le vendeur –autant dire que cette dernière ne peut être qu'incertaine.
Pire, raconte Motherboard: certains concessionnaires peu scrupuleux utilisent divers artifices logiciels, par exemple un «recalibrage» de la capacité de la batterie, qui peut faire croire –temporairement– à la clientèle que l'engin est encore en pleine possession de ses capacités, prêt à avaler les kilomètres comme aux premiers jours.
L'occasion fait le larron
Ce n'est pas sans inconvénients pour la clientèle. Mais c'est de la même manière problématique pour le secteur automobile dans son ensemble: si l'attention est généralement portée sur les ventes de véhicules neufs, celle des voitures d'occasion est également considérée comme un important pillier de l'économie, en particulier pour les foyers les plus modestes.
C'est encore plus vrai aux États-Unis: reprenant des chiffres du Bureau of Transportation Statistics, Motherboard rappelle que si 17 millions de véhicules neufs ont été vendus en 2019, ce ne sont pas moins de 40 millions de voitures d'occasion qui ont occupé les concessionnaires spécialisés et leur clientèle la même année.
Le marché de l'occasion est une illustration parfaite de l'asymétrie de l'information qui peut tordre la relation entre un vendeur, qui connaît la valeur et la qualité exacte du produit qu'il met sur le marché, et un acheteur dont les informations ne peuvent souvent reposer que sur la capacité de persuasion du vendeur ou sur d'imprécis calculs pour s'en faire une idée.
Le phénomène est plus marqué encore dans le cas des véhicules électriques. Si les batteries de nombreux modèles sont a priori dotées d'une durée de vie relativement longue, d'autres n'ont pas cette résilience, notamment les modèles les plus anciens –et pour eux, il est aussi simple de faire croire le contraire que complexe de s'assurer qu'ils sont en bon état.
Si la puissance publique souhaite réellement accélérer la transition de l'explosion vers l'électrique, elle doit donc se pencher sérieusement et sans tarder sur le marché de l'occasion. Il lui appartient de rééquilibrer cette «information asymétrique», en imposant des garde-fous notamment techniques, à même de placer les acquéreurs dans une situation de pleine confiance.
Car acheter un véhicule neuf, c'est aussi déjà penser à sa possible prochaine revente, ce que l'existence d'un marché sain ne manquerait pas de faciliter: l'adoption des voitures à batteries serait alors sans doute encore plus aisée.