Ses amateurs mettront notamment en avant l'efficience extraordinaire des moteurs des Formule 1 modernes. Ils vanteront ces hybrides du futur dont les technologies abreuvent déjà les automobiles routières du présent. Les autres penseront qu'un tel cirque mondial, quels que soient par ailleurs ses mérites sportifs ou spectaculaires, est une aberration environnementale absolue.
Vingt-trois courses en 2022, des millions de kilomètres avalés par des tonnes de matériel et des centaines de membres d'écuries, des événements faisant se déplacer sur de longs trajets des centaines de milliers de personnes: à l'heure de l'urgence climatique, le pinacle de la compétition automobile atteint un summum de pollution, sans autre utilité que la compétition sportive –même si la série Drive To Survive (Netflix) lui a offert un net regain de popularité dans le monde entier.
Si elle a laissé le tout-électrique à la Formule E, la Formule 1 sait qu'elle ne pourra survivre sans embrasser la cause environnementale, même si elle fait tout pour préserver sa réputation d'élite de la performance pure.
Fin 2019, la discipline annonçait vouloir atteindre la neutralité carbone en 2030 –un vœu pieu que beaucoup ont condamné, n'y voyant qu'une simple opération de greenwashing. Il y a quelques semaines, les instances de ce sport ont annoncé vouloir faire un pas supplémentaire sur le chemin du verdissement. Elles prévoient d'adopter prochainement des biocarburants de nouvelle génération.
Le «F1 Circus» lui-même ne deviendra pas un parangon de la défense de la cause environnementale: les courses ne représentent que 0,7% des émissions totales de la discipline en 2019.
La Formule 1 peut en revanche devenir une vitrine technologique parfaite pour des carburants nouveaux qui ne seraient pas issus de l'exploitation des fossiles, comme l'explique le champion du monde 2016 Nico Rosberg. Une majorité d'automobiles routières déjà en circulation peuvent rouler en utilisant ces types de carburants. C'est en particulier le cas dans des marchés émergents, où la Formule 1 reste très populaire, mais où les coûts que nécessite un passage au tout-électrique semblent encore hors de portée.
Dès 2022, année de la mise en route d'un tout nouveau règlement technique, la Fédération internationale de l'automobile (FIA) exigera des écuries qu'elles fassent le plein avec un nouveau mélange, baptisé E10, comprenant 10% d'un éthanol dit de «seconde génération», parce qu'il est issu du recyclage de biomasse et non de cultures agricoles.
Vert le futur
C'est en 2026 que la rupture sera la plus nette: les constructeurs planchent sur les spécifications de nouveaux moteurs dits de «troisième génération» qui devront utiliser 100% d'un carburant 100% synthétique et dont la FIA a déjà décrit une partie des caractéristiques.
«Les carburants durables de la Formule 1 comprendront un composant avancé provenant soit d'un processus de capture du carbone, de déchets de ville ou de biomasse non-alimentaire –et qui, c'est le plus important, permettra une réduction des gaz à effet de serre d'au moins 65%», explique la fédé.
Cette essence nouvelle sera d'abord formulée en laboratoire avant d'être produite de manière plus massive: l'objectif est de pouvoir proposer un carburant synthétique utilisable à 100% dès 2030, une technologie directement applicable aux voitures routières.
Le plan ne peut que plaire aux firmes qui cherchent à se diriger dans le même sens –et qui pourraient, à l'avenir, injecter de gros investissements dans la discipline, condition sine qua non pour sa survie à long terme.
C'est notamment le cas de Porsche, qui travaille de son côté sur un carburant synthétique pour ses sportives, et qui a récemment expliqué que les conditions d'un retour en Formule 1 commençaient à être remplies.
La FIA a également trouvé un partenaire technologique et commercial de poids: le géant pétrolier saoudien Aramco, qui a annoncé ce trimestre des profits records de 30,4 milliards de dollars, est qui est étroitement lié aux recherches en cours sur ce carburant présenté comme miraculeux.