Le 11 octobre 2022, l'US Air Force a annoncé qu'elle comptait désormais parmi sa flotte d'avions de combat trois avions d'attaque A-10 Thunderbolt II dotés d'ailes toutes neuves. S'ils ont étés prioritaires pour recevoir ces nouveaux équipements, c'est sans doute parce que ces avions sont devenus de véritables légendes.
En dépit de leur laideur («Warthog» signifie «phacochère» en français), leur réputation –notamment de «tueurs de chars»– n'a jamais été égalée et l'heure de leur retraite, grandement méritée, ne cesse d'être repoussée par le Pentagone, ainsi que l'explique Popular Mechanics.
Pour les A-10 Thunderbolt II, tout commence avec l'expérience états-unienne au Vietnam. Pour combattre dans la jungle, l'US Air Force se rend compte que sa flotte traditionnelle composée d'avions à réaction polyvalents comme le F-105 Thunderchief ou le F-4 Phantom ne sera pas d'une grande utilité.
Alors qu'elle utilise des hélicoptères ou de simples avions à hélices comme l'A-1 Skyraider, l'armée comprend qu'il lui faut désormais nécessairement des avions capables de manœuvrer à basse altitude et d'apporter un vrai soutien aux opérations d'infanterie.
C'est en 1972 que l'US Air Force choisit le Warthog, conçu par Fairchild et issu du «programme AX» du Pentagone. Il s'agit alors d'un avion monoplace à ailes basses et droites, avec deux turboréacteurs à double flux, sans postcombustion, situés derrière les ailes. Capable d'emporter des bombes de nombreux types, l'avion est, surtout, doté du GAU-8 Avenger, un autocanon de type Gatling et de calibre 30 millimètres ayant contribué à faire sa légende.
Ces équipements et capacités permettent à l'A-10 Warthog une grande maniabilité à basse vitesse et basse altitude, mais aussi des atterrissages sur de courtes pistes, par exemple de simples routes.
Le revêtement de l'aile peut être facilement remplacé quand il est endommagé, même avec du matériel de fortune. Le cockpit de l'A-10 est protégé par environ 545 kilogrammes de blindage en titane appelé «la baignoire». Celle-ci peut résister à des projectiles perforant jusqu'à 23 millimètres.
«Fighter mafia»
Si le programme de production de l'A-10 a survécu les premières années malgré de nombreuses critiques, c'est en partie, selon le colonel retraité Arden B. Dhal, grâce à deux victoires politiques.
La première bataille clé, qui a débuté à la fin de la Seconde Guerre mondiale, concerne la rivalité entre Armée de l'air et Armée de terre. Laquelle d'entre elles devait être responsable des missions d'appui aérien rapproché?
Comme durant la guerre du Vietnam, l'Armée de terre s'en chargeait avec des UH-1 «Huey», puis en tentant de développer, à la fin des années 1960, le nouvel hélicoptère d'attaque AH-56 «Cheyenne». Le Warthog est, lui, devenu le champion et le contre-argument de l'Armée de l'air. Celle-ci a fini par avoir le dernier mot: le Congrès fut convaincu que cet avion d'attaque devait servir pour ce type de mission.
La seconde bataille politique a eu lieu au sein même de l'US Air Force. Elle opposait d'un côté des officiers qui considéraient les chasseurs rapides et sophistiqués comme les seuls à mériter l'investissement de l'US Air Force, de l'autre des officiers qui défendaient des avions lents et simples tels que le Warthog.
Grâce à quelques partisans efficaces au Congrès et à un accord entre le secrétaire de la Défense de l'époque, James Shlesinger, et le général George S. Brown, l'A-10 a de nouveau survécu.
Depuis, le Warthog continue de ravir l'US Air Force. Un détachement d'au moins deux d'entre eux opère même actuellement à l'aéroport international Roman-Tmetuchl, dans l'archipel de Palau, dans le but de s'entraîner pour un éventuel conflit face à la Chine. La guerre en Ukraine le prouve: se passer d'un aussi bon «tank killer» serait une idée saugrenue.