Nous avons parlé, il y a quelque lustres, du concept de «moteur à détonation oblique», un modèle de réacteur que ses ardents défenseurs disent pouvoir faire atteindre des sommets à la propulsion du futur.
L'idée est aussi simple que complexe à mettre en œuvre: ledit moteur ne fonctionne pas grâce à une poussée continue obtenue par la combustion de carburant et d'oxygène, mais grâce à la maîtrise d'une vague de détonations à haute fréquence, permettant la libération d'une énergie beaucoup plus intense.
Bref, un appareil ou un projectile doté d'une telle propulsion serait poussé par une petite bombe à répétition infinie, pour ainsi dire collée à son cul.
Pour l'instant, les espoirs de l'hypersonique —ces objets capables d'atteindre une vitesse supérieure à cinq fois celle du son, soit plus de Mach 5– reposent surtout sur le «scramjet» ou superstatoréacteur, évolution des statoréacteurs classiques équipant la plupart des jets ou missiles modernes.
La plupart de ces scramjets fonctionnent grâce à l'hydrogène, un carburant efficace mais complexe à stocker, à manipuler et à faire fonctionner, et présentant de grands risques d'explosion.
Plus vite, moins cher
Mais comme le rapporte le South China Morning Post, des scientifiques chinois affirment avoir testé avec réussite un moteur à détonation hypersonique capable d'atteindre Mach 9, alimenté non par de l'hydrogène mais par du kérosène, soit le même type de carburant que celui qui alimente les moteurs des avions typiques, y compris ceux que vous pouvez prendre pour partir au soleil.
Sous l'égide du chercheur Liu Yunfeng, l'essai aurait été effectué plus tôt dans le JF-12 Shock Tunnel, où peuvent être reproduites les conditions d'un vol hypersonique. Ces résultats ont été publiés dans le Journal of Experiments in Fluid Mechanics chinois.
«Le kérosène est le carburant de choix des réacteurs alimentés par de l'air», y écrit Liu Yunfeng. «Il n'est pas facile à faire exploser», poursuit-il, raison pour laquelle il a longtemps été écarté pour le réacteur à détonation.
Comme l'explique Interesting Engineering, le problème était lié à la capacité de faire exploser le kérosène dans les conditions hypersoniques, avec un air à la fois très chaud et très mobile. De plus, la chambre de détonation aurait nécessité une taille dix fois supérieure à celle destinée à l'hydrogène –un problème à l'évidence épineux pour un engin volant.
Liu Yunfeng et les scientifiques de son équipe semblent avoir trouvé une solution simple à mettre en place: une simple aspérité physique de quelques centimètres placée dans la chambre de combustion, augmentant dramatiquement la capacité du kérosène à détonner, même dans des conditions supersoniques.
À l'avenir, ce type de réacteur, grâce à l'utilisation de ce carburant relativement peu cher, simple à manipuler et déjà omniprésent, pourrait servir à équiper des engins militaires, mais aussi du secteur civil. On peut ainsi rêver de faire voler à des vitesses hypersoniques des aéronefs cargo ou transportant des passagers.
Cet avenir semble toutefois très lointain: Liu Yunfeng admet lui-même, malgré l'importance certaine de ses trouvailles, que cette technologie est encore loin d'être suffisamment mûre et peu chère pour trouver une application commerciale.