Nous le savons depuis désormais quelque temps: l'US Air Force, l'armée de l'air états-unienne, travaille depuis quelques années sur son programme Next Generation Air Dominance, ou NGAD, sa sixième génération de chasseur de combat. Elle y travaille si activement que quelques indices solides indiquent qu'un premier engin aurait peut-être déjà été testé en vol dès 2020.
On ne sait bien sûr pas grand-chose de ce jet du futur, bien que les analystes se perdent en conjectures quant aux technologies de pointe qu'un tel appareil, destiné à contrer la menace croissante de la Chine et, dans une moindre mesure, de la Russie, devra intégrer.
On sait avec certitude que la chose sera un avion. Qui donc, a priori, volera. Il ira sans doute vite, il sera sans doute très maniable, sera doté de réacteurs révolutionnaires. Il pourra être utilisé en essaims et en réseaux, au pluriel dans les deux cas, piloté par l'homme ou, peut-être, par une intelligence artificielle (IA). Il lui sera peut-être adjoint des drones de combat, comme le Loyal Wingman de Boeing.
Mais comme l'explique The War Zone, le NGAD n'est pas uniquement un engin volant, aussi futuriste et formidable soit-il. C'est un concept bien plus global, un système technique et sensoriel complet dont le cœur est une doctrine que l'US Air Force nomme «guerre spectrale» ou «domination spectrale» (spectral warfare ou spectral domination en anglais).
Tout voir, tout savoir, tout sentir
Est-il ici question d'une guerre menée aux fantômes, comme dans un fameux film des années 1980 dans lequel on sait qui appeler quand le danger rôde dans le voisinage? A priori non –ou alors, il nous manque quelques éléments.
«Une simple définition officielle de ce qu'est la guerre spectrale ou la domination spectrale semble introuvable pour le moment», regrette le journaliste Joseph Trevithick dans The War Zone. Qui note cependant, comme le fait souvent le site, que de nombreuses pistes peuvent être trouvées ou devinées dans les lignes en petits caractères des documents budgétaires du Pentagone.
Une évidence, car c'est le sens de l'histoire technologique: comme la nouvelle version F4 du Rafale, le NGAD sera une plateforme de guerre électronique et connectée, un chemin que les armées de l'air des grandes nations ont commencé à emprunter il y a longtemps déjà.
Le but du Pentagone est, semble-t-il, de grandement accélérer le développement de cette guerre du futur, notamment en dotant les appareils et leurs pilotes de capacités «cognitives» d'appréhension et de gestion des situations de combat, appuyées par l'intelligence artificielle.
Le travail actuel sur les dogfights (les combats aériens) de F-16 pleinement autonomes et mus par l'IA semble aller dans ce sens, comme le projet de drone de combat nommé «Skyborg» qui, justement, pourrait remplacer le vieillissant chasseur à tout faire.
Mais le concept de domination spectrale et cette intelligence situationnelle assistée par ordinateur passent également par l'invention (ou l'amélioration) d'une série de capteurs et de senseurs permettant aux appareils de tout voir, tout savoir, tout analyser, dans l'ensemble des spectres imaginables.
Des budgets ont ainsi été alloués pour chercher comment prendre le dessus, de manière offensive ou comme contre-mesure face à des défenses anti-aériennes de plus en plus acérées, dans l'infrarouge, de créer des senseurs nouveaux pour les missiles du futur, des brouilleurs plus puissants et plus capables que ceux dont seront dotés les avions des nations rivales, des lasers aptes à perturber l'action des projectiles ennemis.
Bref, il est ici question de (re)prendre de l'avance sur la Chine en particulier, dont le Pentagone redoute publiquement la progression technologique exponentielle dans le domaine des missiles, de la guerre électronique ou de la furtivité. Au point de tout faire, y compris d'imposer un blocus sur les composants et semi-conducteurs les plus à la pointe, pour entraver ces progrès constants.