Il est plutôt rare que deux hommes –en l'occurrence trois, fiston compris– se battent pour savoir qui a le plus petit. C'est pourtant précisément la drôle d'histoire que raconte le site Task & Purpose: comment la rivalité entre deux hommes, Robert Starr et Ray Stits puis le fils de ce dernier, Donald, a mené aux plus petits avions jamais construits par l'homme.
Tout commence à la fin des années 1940. Ancien mécanicien dans l'US Air Force, Ray Stits discute avec quelques camarades dans un atelier aéronautique du Michigan, en 1948. «Si je construisais un avion avec des ailes d'une envergure de 3,3 mètres et un fuselage long de 3 mètres, serait-il le plus petit au monde?», demande Stits à ses camarades.
Pas fous, ceux-ci lui répondent que c'est impossible. Il n'en faut pas plus à l'Américain, passionné par la construction maison d'aéronefs, pour se prendre au jeu et commencer le travail sur son premier micro-avion.
Celui-ci sera baptisé «Junior», construit autour d'un moteur de 40 petits chevaux seulement et trop petit pour que Stits puisse le piloter lui-même. «Junior» se cassant la gueule, l'homme conçoit un autre avion de même format, mais cette fois mu par un moteur de 65 chevaux, et piloté par un homme qui fut un As de l'US Air Force, Robert Starr.
«Junior», qui s'est par ailleurs à nouveau crashé, n'était que le début d'une longue histoire. Un peu plus tard, Ray Stits réussit à concevoir un avion plus petit encore, qu'il nomme «Sky Baby», motorise avec 85 chevaux et qu'il confie là-encore aux bons soins de Robert Starr.
«Sky Baby» sera le dernier des mini-avions inventés par Ray Stits. Mais pas par Starr, qui s'est pris au jeu et qui, à son tour, se met à dessiner un aéronef qu'il veut plus mini-riquiqui encore: ce sera «Bumble Bee», premier du nom.
Le «bébé oiseau» de Donald Stits, effectivement pas bien gros. | FlugKerl2 via Wikimedia Commons
Tout est mini dans notre vie
Mais si Ray Stits a pris sa retraite, ce n'est pas le cas de son fils Donald, qui reprend le drôle de flambeau de ces micro-avions aux designs dignes de films de Pixar. Donald se met à concevoir son propre engin, un tout petit bidule bleu et volant nommé «Baby Bird», qu'il dit être désormais le plus petit avion jamais conçu.
Ce qui, bien sûr, énerve Starr. Fâché de ne pas voir ses mérites reconnus dans la conception de «Sky Baby», il n'en démord pas: il explique à qui veut l'entendre que son «Bumble Bee» est plus petit que l'œuvre de Stits Jr. «Son avion est plus long et plus haut que le mien, qui entrerait dans un plus petit cube», explique-t-il ainsi lors d'une interview au Los Angeles Times.
Piqué au vif, Donald Stits explique à la cantonade que son avion a de plus petites ailes que le «Bumble Bee» de Robert Starr, et qu'après tout c'est la caractéristique principale à prendre en compte pour mesurer la taille d'un aéronef. De plus, argumente-t-il, le bourdon de Starr est un biplan, ce qui le disqualifie d'autant plus.
Alors Starr a remis son mini-travail sur le petit ouvrage, et conçu «Bumble Bee II», plus petit encore que son microscopique aïeul. Celui-ci a été reconnu par le Livre Guinness des Records, après son premier vol en avril 1988, comme le plus petit avion à avoir volé.
Cette gloire est éternelle, mais elle fut coûteuse: en mai de la même année, Starr se crashait à bord de son «Bumble Bee II» et en était suffisamment blessé pour devoir se retirer à jamais de cette compétition.
Donald Stits, lui, n'a pas tout perdu: le Guinness Book n'ayant pas tout à fait réussi à départager les deux ingénieurs, son «Baby Bird» détient tout de même le record de l'avion le plus petit à avoir jamais quitté le plancher des vaches si l'on prend en compte son poids au décollage.