Le 30 septembre au matin, des dizaines de milliers de Franciliens sursautaient au bruit sourd d'une mystérieuse explosion, ravivant logiquement de frais et douloureux souvenirs.
Fausse alerte: il ne s'agissait que d'un Rafale en mission d'interception, qui venait de passer le mur du son et de provoquer le «bang» caractéristique d'un aéronef atteignant ou dépassant la vitesse de Mach 1, soit 340 mètres par seconde ou 1.224 kilomètres par heure.
Ce même boum supersonique est bien connu des habitants de certaines régions bretonnes ou britanniques qui, chaque soir à la même heure, pouvaient entendre feu le Concorde passer, au-dessus de la Manche, ce mur du son qu'il était (presque) le seul à franchir dans la sphère civile.
Si le Concorde fracassait ainsi le mur du son en survolant la mer, c'est précisément parce que les régulateurs de nombreux pays, à commencer par la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, ses destinations favorites, lui avaient interdit de le faire au-dessus de zones habitées.
Si elle ne fut pas la seule, loin s'en faut, cette complication et les limitations qu'elle imposait fut l'une des raisons de l'échec sur le long terme des vols supersoniques civils.
Mais alors que ces avions plus rapides que le son retrouvent une nouvelle jeunesse avec de nombreux projets, notamment celui de Boom qui a déjà vendu quinze de ses futurs appareils à United, la question cruciale se pose: que faire de cette évidente nuisance?
Maxi-nez, mini-bang
La NASA a peut-être la réponse: l'éliminer, tout simplement. Ou du moins la réduire considérablement, assez pour qu'elle devienne tolérable aux oreilles des populations au sol, et que les possibilités de liaisons pour ces avions supersoniques soient ainsi démultipliées.
Cette réponse porte un nom et possède une forme littéralement extraordinaire: c'est le X-59 QueSST, pour «Quiet Supersonic Technology», appareil expérimental conçu en collaboration avec Lockheed Martin, dont le premier exemplaire est en cours de montage et auquel elle espère offrir un vol inaugural début 2022.
«Le X-59 dispose d'une forme et de technologies supersoniques uniques», décrit auprès de Science Focus Peter Coen, du fameux centre de recherche de la NASA à Langley. «Un nez long et mince, un moteur placé sur le haut du fuselage, et son External Vision System [un écran pour le pilote, qui n'a pas de vision extérieure directe] sont conçus pour contrôler la puissance et la position des ondes de choc, afin de produire un son plus doux au sol.»
L'idée n'est donc pas d'éliminer totalement le fameux «bang» mais, d'une certaine manière, d'apprendre à le maîtriser, à le produire régulièrement tout au long du fuselage, pour qu'il devienne tolérable par les personnes pouvant l'entendre.
Comme l'explique le site scientifique de la BBC, tout ceci ne relève pour l'instant que de la théorie. C'est en testant l'avion en vol et, surtout, en mesurant au sol la puissance de son «bang» –que la NASA espère réduire au bruit d'une simple portière qui claque– que tout ceci se vérifiera.
Le X-59 volera au-dessus de diverses villes, où des sondages parmi la population seront menés. Qu'ont-ils entendu, était-ce tolérable? Les résultats de ces premiers tests pourraient servir à convaincre les régulateurs de revoir leur politique quant aux vols supersoniques civils. Et rouvrir ainsi un nouvel horizon au transport aérien, un rêve qui s'était assombri avec le dernier vol du Concorde.