Le dimanche 8 janvier, ce qui semblait devoir arriver arriva. Les partisans de Jair Bolsonaro, ex-président brésilien battu dans les urnes, s'en sont pris aux lieux de pouvoir du pays, en particulier à Brasilia, avant d'en être délogés. Et les images ne sont pas sans rappeler celles de l'invasion du Capitole aux États-Unis, le 6 janvier 2021, par les meutes trumpistes.
BREAKING 🇧🇷: Bolsonaristas are invading Congress en masse in Brasilia.
— David Adler (@davidrkadler) January 8, 2023
pic.twitter.com/6dh3rItJgH
[ 🇧🇷 BRÉSIL ]
— (Little) Think Tank (@L_ThinkTank) January 8, 2023
🔸️ Les manifestants s'en sont pris à un policier à cheval à Brasilia. pic.twitter.com/5F9dczCq8Z
[ 🇧🇷 BRÉSIL ]
— (Little) Think Tank (@L_ThinkTank) January 8, 2023
🔸️ Intérieur du congrès brésilien de Brasilia après avoir été ravagé par les manifestants. pic.twitter.com/0BN5yV22Qm
Tensão em Brasília. Que Deus tenha misericórdia de todos os brasileiros. pic.twitter.com/iXPabsKaLZ
— Paulo Generoso (@Paulogeneroso) January 9, 2023
Selon le site Rest of World, le nouveau Twitter promu par Elon Musk depuis son rachat de la plateforme, un Far West du Free Speech où la modération semble avoir été restreinte à son strict minimum (ou dessinée selon les désirs du patron), a eu un rôle certain dans l'agrégation de ces foules hostiles au vote démocratique.
Rest of World a interrogé divers observateurs et spécialistes en la matière. Selon l'un d'eux, Artur Pericles, chercheur à la faculté de droit de Yale et ex-cadre de l'InternetLab à São Paulo, la prise de pouvoir du patron de Tesla chez Twitter et le chaos qui s'en est suivi ont agi comme un appel du pied pour la frange la plus active de l'électorat de Jair Bolsonaro.
Comme d'autres, Artur Pericles a observé un gain notable d'abonnés de la part des comptes les plus inflammables. «Ce pourrait simplement être des gens qui comprennent que ce que sous-entend Musk, c'est que maintenant qu'il est au pouvoir chez Twitter, les choses se passeront mieux pour eux», explique-t-il.
Début décembre, le New York Times rapportait en effet que depuis que la plateforme a changé de main, les discours de haine en ligne y ont crû d'une manière encore jamais vue. Il n'y a sans doute pas de hasard dans ces évolutions profondes.
À droite toute
Pour en avoir le cœur net, Rest of World a consulté d'autres experts et s'est penché sur ce qu'il s'est passé pour certains des plus gros comptes liés à la politique brésilienne, classés selon leurs affinités politiques, de l'extrême gauche à l'extrême droite.
«Bien que cela ne puisse constituer un travail statistique exhaustif, les experts pensent que pour certains des comptes les plus importants liés à la politique ou aux médias du pays, cette liste suggère que l'acquisition de Twitter a eu pour effet de booster les audiences de la droite par rapport à celles de la gauche ou des ailes plus libérales», écrit Charlotte Peet pour Rest of World.
Un sociologue pro-Bolsonaro, Eduardo Matos de Alencar, affirme à Rest of World que cette tendance n'est due qu'à l'abandon du shadowban de comptes de droite et d'extrême droite au Brésil. Selon lui, le milliardaire aurait décidé de sortir de l'obscurité et de replacer dans la lumière algorithmique les comptes qui avaient été rendus presque invisibles par les équipes ayant précédé sa prise de pouvoir.
Mais si le média note que l'intérêt accru pour la politique en période électorale explique en partie le regain d'activité sur Twitter depuis quelques mois, rachat ou pas, le fait que celui-ci penche nettement à droite ne peut s'expliquer que par le fait que la plateforme apparaît de nouveau comme un havre de paix et un lieu d'organisation pour ses membres les plus à droite, institutionnels comme lambda.
Et si les comptes de gauche, ou définis comme tels par le média selon les complexités du paysage politique brésilien, ont également vu leur nombre d'abonnés croître, la tendance a été beaucoup moins marquée pour eux que pour les partisans de Jair Bolsonaro.
«Elon Musk a réhabilité des profils d'extrémistes très dangereux, regrette Michele Prado, une chercheuse spécialisée dans les courants d'extrême droite au Brésil. Cela offre de la légitimité aux contenus extrémistes et, à court terme, fournit des contenus qui radicalisent encore un peu plus les personnes d'extrême droite, des personnes qui manifestent devant les bases militaires pour appeler à un coup d'État brisant l'ordre démocratique.»
Bref, l'application au Brésil du Free Speech absolutiste prôné par Elon Musk est à suivre de très près par les démocraties partout dans le monde: elles ne sont peut-être pas encore tout à fait prêtes à maîtriser les boules de neige que forment les flots ininterrompus de désinformation et d'appels au fascisme de leurs ennemis.