Parmi l'arsenal proposé par le jeu vidéo Quake III Arena, sorti en 1999, une arme a particulièrement marqué les esprit: le railgun, un fusil électromagnétique tirant des projectiles à une vitesse extrêmement élevée, avec une trajectoire en spirale mais parfaitement droite. Idéal pour abattre d'un seul tir les ennemis situés à de grandes distances, ou encore pour les pulvériser à travers un mur ou tout autre obstacle.
Les créateurs du jeu s'étaient eux-mêmes inspirés de l'arme au cœur de l'intrigue de L'Effaceur, film d'action réalisé par Chuck Russell en 1996 et avec Arnold Schwarzenegger.
Je m'abonne
Tout bénéf'
Dans le monde réel, le canon électromagnétique utilise un champ magnétique généré par l'électricité (plutôt que l'énergie cinétique de la poudre explosive) afin de propulser une munition à très grande vitesse –si grande qu'il n'est pas forcément nécessaire qu'elle soit explosive (en théorie: rien n'interdit toutefois de charger un obus explosif sur un railgun). Seul inconvénient: la quantité phénoménale d'électricité requise.
L'arme présente plusieurs avantages: vitesse, portée et précision accrues; coût réduit par tir; promesse (théorique) de percer n'importe quel blindage; et enfin, réduction du danger. En effet, avec un canon électromagnétique, plus besoin d'embarquer des explosifs, ni pour propulser les munitions ni pour en charger les obus. Ce qui évite, par exemple, que le navire équipé du canon ne parte en fumée à l'instant où l'ennemi sera parvenu à cibler son stock d'obus.
Logiquement, les principales puissances militaires se sont donc lancées dans la course au railgun –qui demeure à ce jour au stade de prototype. Chine, Inde, Russie sont sur le coup, sans que l'on connaisse leurs avancées réelles au-delà des annonces officielles, tout comme, bien sûr, les États-Unis. Ces derniers avaient déjà englouti quelque 500 millions de dollars (autour de 450 millions d'euros) en 2020 après plus de quinze ans de recherche, sans que l'arme ne soit devenue opérationnelle.
Futur du canon, canon du futur
«Le canon électromagnétique surclasse nettement le canon à poudre en offrant une vitesse de bouche comprise entre 2.000 et 3.000 mètres par seconde suivant le calibre de l'arme et la masse propulsée. Il constitue une technologie de rupture pour l'artillerie», explique l'Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL).
Ce dernier, en pointe sur le sujet en Europe, est le leader du projet Pilum, pour «Projectiles for Increased Long-range effects Using Electro-Magnetic railgun» («augmentation des effets à longue portée à l'aide d'un canon électromagnétique»), qui regroupe notamment depuis 2020 les industriels de la défense Diehl, Nexter et Naval Group sous la houlette de l'Agence européenne de défense.
Selon l'ISL, si l'artillerie à très longue portée (plus de 200 kilomètres) est retenue comme application principale, le railgun peut aussi servir au combat naval ainsi qu'à la défense antiaérienne et antimissile, notamment contre les armes hypersoniques.
Lors du salon de défense Eurosatory en 2022, l'institut avait dévoilé, selon le blog Forces Opérations, trois types de munitions qui pourraient être utilisées: des creuses en aluminium pour tester la résistance des composants informatiques des futures munitions guidées hypersoniques; des projectiles de 120 mm d'une portée de 200 km pour cibles terrestres et navales; des munitions en formes de petits planeurs, qui seraient tirées en rafale pour abattre des missiles ennemis.
Par ailleurs, des applications civiles sont à l'étude, notamment dans le domaine spatial. Le canon électromagnétique pourrait ainsi servir à lancer des microsatellites –là où d'autres misent sur des catapultes géantes– ou à tirer de «fausses» micro-météorites sur des prototypes de satellites afin de tester leur résistance. Un véritable couteau suisse.