Au risque de créer la déception chez les fans de science-fiction, il n'y a jamais eu de guerre dans notre système solaire –ou en tout cas pas un conflit dans lequel des vaisseaux ennemis se tirent dessus à grands renfort d'explosifs et de lasers. En revanche, rappelle Popular Mechanics, un missile a déjà été tiré dans l'espace. Et ça ne date pas vraiment d'hier.
Bienvenue dans la station spatiale Almaz, placée en orbite dans les années 1970. C'est là que l'on trouve le R-23M Kartech (une version modifiée du Rikhter R-23), considéré aujourd'hui encore comme le seul canon actif de l'histoire de l'espace. Il a été conçu par Aron Abramovich Rikhter, également à l'origine du canon original du Tupolev Tu-22, connu pour avoir été le premier bombardier supersonique produit en URSS.
Si l'Union soviétique a ressenti la nécessité de faire construire le R-23M Kartech, c'est parce que dans les années 1960, il lui semblait probable que des affrontements avec les États-Unis finissent par avoir lieu dans l'espace. Il faut dire que les engins américains avaient salement tendance à se rapprocher des satellites militaires de l'URSS, comme pour les inspecter de près. La peur d'une attaque étant réelle, il fallait bien prévoir de quoi riposter.
Il fut donc décidé que la station Almaz serait pourvue d'une arme capable d'aider l'Union soviétique à assurer sa défense. Et c'est ainsi que fut conçu un canon de 14,5 millimètres, à même de frapper des cibles situées à environ 3 kilomètres, et susceptible de tirer, entre 950 et 5.000 fois par minutes (tout dépend des sources), des projectiles filant à une vitesse de 690 mètres par seconde, soit près de 2.500 kilomètres par heure.
Un coup dans l'eau
D'après les témoins de l'époque, lors des essais réalisés au sol, ce canon spatial avait été capable de percer un bidon d'essence placé à environ 1 mile, soit environ 1,6 kilomètre. Reste que l'arme était extrêmement peu maniable, puisque pour viser, il fallait d'abord avoir fait pivoter les 20 tonnes de la station spatiale en direction de la cible.
Après avoir validé le projet, le Kremlin décida de garder secrète l'existence du canon, ce qu'il fit jusqu'à la fin de la guerre froide et même plus tard encore. Ce n'est qu'après la chute de l'URSS que des sources russes nous ont appris que ce canon avait été conçu et envoyé en orbite, et qu'il avait même tiré dans l'espace.
C'était le 24 janvier 1975: souhaitant évaluer la façon dont un tir risquait d'impacter l'avant-poste de la station spatiale, les autorités soviétiques décidèrent de procéder à un essai. Aucun danger pour les humains, l'équipage ayant quitté les lieux le 19 juillet 1974, soit six mois plus tôt.
Toujours selon les sources, qui divergent sur plus d'un élément du dossier, le canon a fait feu une à trois fois, envoyant une vingtaine de projectiles dans l'espace. Les résultats de l'expérimentation sont tenus secrets, mais toujours est-il que la version suivante de la station Almaz fut équipée de deux missiles d'interception plutôt que d'un canon. Ce qui semble indiquer que la réussite ne fut pas totale.