Fermentation et enzymes: c'est ici que se prépare l'avenir du recyclage du plastique. | Carbios
Fermentation et enzymes: c'est ici que se prépare l'avenir du recyclage du plastique. | Carbios
Veolia présente

Carbios, pour nous sauver de l'apocalypse plastique

L'entreprise a mis au point un procédé de recyclage prometteur: l'utilisation d'enzymes pour «dépolymériser» les plastiques PET et PLA.

Entre dix et quinze millions de tonnes de plastiques sont déversées chaque année dans les océans, engendrant une véritable catastrophe écologique. Pour faire face à ce problème, la réduction de leur utilisation est bien sûr une priorité. Mais la question du recyclage se pose également: se passer entièrement de ces matériaux est difficilement envisageable à court terme.

L'un des plastiques les plus recyclés est le PET (polytéréphtalate d'éthylène), que l'on retrouve notamment dans les bouteilles plastiques (alimentaire, cosmétiques...) et le textile.

Mais selon la fondation Ellen McArthur, citée par le site Les Jours, la moitié du PET jeté n'est pas collecté. Seuls 7% du PET collecté sont effectivement recyclés et, à chaque recyclage, le plastique perd en qualité. C'est ici que Carbios pourrait changer la donne.

Martin Stéphan, directeur général délégué de Carbios. | E. Houri / Carbios

D'un brevet oublié à une révolution technologique

L'entreprise riomoise dispose de l'une des technologies les plus prometteuses en ce qui concerne le recyclage du PET. Elle utilise des enzymes pour séparer les deux composants du matériau: l'acide téréphtalique et l'éthylène glycol.

Ces deux composants peuvent ensuite être utilisés pour produire du plastique recyclé –mais, cette fois, comme neuf. En parallèle, Carbios travaille sur l'injection d'enzymes directement dans le plastique d'origine végétale PLA, pour faciliter sa biodégradation.

Martin Stephan nous reçoit dans l'un de ses laboratoires, sur le biopôle Clermont-Limagne dans le Puy-de-Dôme. En costume mais sans cravate, le directeur général délégué de Carbios revient sur la genèse du projet.

«À l'origine, il y a Truffle Capital, un fonds d'investissements initialement orienté medtech et biotech, qui a l'habitude d'identifier ou de prendre sous licence exclusive brevets qui ne sont pas exploités. Ils en avaient identifié qui concernaient l'utilisation d'enzymes pour dégrader les plastiques», raconte-t-il.

Le fonds charge Jean-Claude Dumarais, actuel PDG de Carbios, de trouver une application commerciale à cette technologie. Suivent cinq ans de recherche et développement, via le projet Thanaplast, en partenariat avec le Toulouse Biotech Institute et un laboratoire autrichien. Plus de vingt millions d'euros y ont été investis, dont quinze par Carbios.

«À l'issue de ce projet, nous avions développé deux technologies: une enzyme capable de rendre le PLA totalement biodégradable en conditions naturelles et une enzyme capable de déconstruire le PET», poursuit Martin Stephan.

Signe d'une reconnaissance internationale de ses recherches: l'entreprise a détaillé le processus dans un article de la prestigieuse revue scientifique Nature.

Un scientifique au travail sur les enzymes de l'entreprise riomoise. | Carbios

Enzymes gourmands

La première technologie est portée par Carbiolice, une joint-venture entre Carbios et le semencier Limagrain: il s'agit d'ajouter des enzymes dans le PLA pour le rendre compostable. La structure emploie vingt personnes.

La seconde est celle de Carbios: utiliser des enzymes pour «déconstruire» le PET usagé, et fabriquer du PET recyclé d'une qualité équivalente au neuf. Son modèle économique repose à la fois sur la commercialisation de licences pour l'installation de terminaux de recyclage chez les industriels, et sur la vente des enzymes nécessaires au processus.

«Les enzymes sont produites à partir de bactéries, de levures ou de champignons. Dans la nature, elles ont une capacité d'hydrolyse faible. Pour l'améliorer, on peut modifier les liaisons chimiques de l'enzyme, mais aussi l'ordre de ses acides aminés ou la forme de l'enzyme», explique Michel Château, directeur du laboratoire.

À l'intérieur du laboratoire sont installés plusieurs «réacteurs» transparents, remplis d'eau mélangée à des enzymes, dans lesquels tournoient des billes de plastique: ce sont des versions miniaturisées de la technologie de Carbios pour déconstruire le PET. Des réacteurs plus imposants, reliés à des terminaux de surveillance, sont disposés de l'autre côté du laboratoire.

Des scientifiques au travail sur les installations du laboratoire de Carbios. | Jérôme Pallé

«À basse température (70 degrés), nos enzymes dépolymérisent le plastique par hydrolyse, ce qui permet d'obtenir de l'acide téréphtalique et de l'éthylène glycol, [ses composants de base]. La réaction prend une dizaine d'heures», poursuit-il.

Il reste ensuite à débarrasser l'acide et l'alcool des impuretés –la partie la plus délicate du processus, qui permet par exemple de recycler ensemble des PET de différentes couleurs.

Dans une autre pièce se trouvent des machines plus imposantes, qui servent à fabriquer, découper et tester les propriétés du plastique. Elle sont utilisées pour élaborer le PLA biodégradable de Carbiolyse.

Un marché gigantesque à conquérir

L'ascension de l'entreprise a été fulgurante. Elle est entrée en bourse très tôt, où elle a levé 27 millions d'euros. Cet été, une nouvelle levée de fonds a fait passer sa valorisation à 235 millions d'euros. Elle emploie désormais 35 personnes et recycle un million et demi de tonnes de plastiques par an. Pour la production de ses enzymes, Carbios travaille avec le géant mondial du secteur, Novozymes.

«Nous avons créé un consortium de marques dans la boisson et la cosmétique, avec L'Oréal, Nestlé Waters, Pepsi et Suntory. J'ai voyagé dans le monde entier pour rencontrer les brand owners et les trois principaux fabricants de plastique.
Martin Stéphan, directeur général délégué de Carbios.

«Nous avons créé un consortium de marques [autour du recyclage des plastiques] dans la boisson et la cosmétique, avec L'Oréal, Nestlé Waters, Pepsi et Suntory. J'ai voyagé dans le monde entier pour rencontrer les brand owners et les trois principaux fabricants de plastique», explique Martin Stephan.

70 millions de tonnes de PET sont produites chaque année (4% de croissance par an). Les pouvoirs publics, et dans une certaine mesure les entreprises, ont de grandes ambitions en termes de recyclage mais les professionnels du secteur ne disposent pas forcément des capacités pour le faire.

Ce qui ouvre à Carbios et à sa technologie un boulevard à travers le «septième continent», cette masse de plastiques indésirables auquel le monde, s'il veut sauver son environnement, doit trouver un débouché.

Cet article vous est proposé par korii et Veolia dans le cadre de Green Mirror, un événement éditorial écrit et audio pour voyager dans le temps, prendre conscience et réfléchir sur les enjeux qui nous attendent collectivement face au changement climatique. Comment agir dès maintenant face à l'urgence?

Découvrez les solutions déjà existantes ou prometteuses à travers notre série d'articles et de podcasts publiés sur notre site-événement.

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