Le monde le sait, le monde l'attend, au point que The Economist parle de la région comme de «la plus dangereuse au monde»: la Chine est à couteaux (presque) tirés face à Taïwan, qu'elle considère comme sienne et à l'indépendance de laquelle elle n'accorde qu'un sursis temporaire.
Elle n'a pas vraiment d'autre choix: aussi puissante fût-elle, la Chine n'a pas encore les moyens de ses ambitions et une tentative d'invasion de l'île de la mer de Chine méridionale pourrait, pour elle et pour Xi Jinping, se transformer en un cuisant échec militaire et politique.
Selon le Général Mark Milley du Comité des chefs d'état-major interarmées, un homme donc plutôt au fait du sujet, cela n'empêche pas la Chine de se préparer activement à l'annexion de l'ex-Formose.
Il a ainsi expliqué lors d'une audition devant le Congrès de son pays que Xi Jinping avait exhorté les forces armées de son pays à accélérer leur préparation, et d'être prêtes à l'action non en 2035 mais dès 2027.
Elles peuvent pour cela compter sur l'enrichissement rapide du pays et les sommes colossales qu'il investit pour moderniser son Armée populaire de libération. Si le pays reste loin derrière les États-Unis en matière de dépense militaire et en valeur absolue, la dynamique n'est pas la même: en dollars, les budgets chinois ont cru de 85% entre 2010 et 2019, quand, sur la même période, il baissaient de 15% pour Washington.
À quoi sert tout cet argent, 175 milliards d'euros en 2021, en hausse de 6,8% par rapport à l'année précédente? Notamment à muscler ses capacités de projection et à préparer l'invasion de l'indésirable et insulaire voisin, explique Popular Mechanics, qui a essayé de faire la –longue– liste de ce qui se prépare.
Jusqu'aux dents
L'un des principaux postes chinois de dépenses concerne la Marine de l'Armée populaire de libération. Le pays, qui baptise parfois plusieurs nouveaux navires lors d'une même journée, dispose désormais de la plus grande flotte militaire au monde.
Elle possède d'ores et déjà deux porte-avions opérationnels, le Liaoning et le Shandong, un troisième est en construction –et six au total pourraient offrir au pays une force aéroportée importante.
Popular Mechanics note également que la Chine est en train de se doter, à très grande vitesse, d'une flotte amphibie d'une ampleur formidable, à même de préparer le débarquement terrestre de grande envergure que supposerait toute vélléité d'invasion de Taïwan.
Constituée de «landing platform docks» (navires de débarquement) de classe Yuzhao Type 071 et de navires d'assaut amphibies de classe Yushen Type 075, cet ensemble comprendra au total 32 navires lourds, 16 de taille moyenne et 29 transports de tanks. De quoi projeter, toujours selon Popular Mechanics, l'ensemble des huit brigades chinoises de Marines dès la première vague d'un éventuel débarquement.
Quant aux airs, ils ne sont pas en reste. La Chine rattrape rapidement son retard technologique et numéraire sur les autres forces aériennes mondiales, notamment américaines, grâce à des aéronefs modernes comme le furtif et possiblement redoutable Chengdu J-20 ou les plus anciens J-10, dont le programme arrive à maturation.
Pour bombarder l'île, l'empire du Milieu pourra compter sur ses H-6K, d'apparence vieillissante mais que de multiples modernisations ont rendu capable de bien des prouesses. Quant aux forces aéroportées que le pays pourrait vouloir massivement envoyer derrière les lignes ennemies, c'est sans doute à bord des avions de transport de modèle Y-20 qu'elles prendraient place.
La Chine peut de surcroît tabler sur ses armes de nouvelle et prochaine génération: le pays ne s'en laisse pas compter lorsqu'il s'agit d'inventer les armes du futur. Avions sans pilote, canons à drones kamikazes, missiles hypersoniques, armes expérimentales: le pays prépare l'avenir de la guerre et le fait savoir.
Sera-t-il prêt en 2027, soit dans six petites années? Popular Mechanics en doute, tout en restant impressionné par cette formidable montée en puissance. L'horizon 2035 lui semble plus raisonnable. Qui sait ce qui pourrait arriver d'ici là. Pékin a clairement indiqué qu'une déclaration d'indépendance de Taïwan signifierait une réponse militaire immédiate et les accrocs explosifs autour de l'île qui se multiplient rendent la situation pour le moins instable.