Créer un système de modération et de filtrage automatisé et sur-mesure coûte cher, prend du temps, mobilise des ressources. Twitter, Facebook ou Instagram, pour ne citer qu'eux, disposent de leurs propres algorithmes, capables notamment de traquer la nudité ou la violence extrême.
De plus petites plateformes et entreprises ont parfois des besoins spécifiques nécessitant des solutions personnalisées, sans pour autant pouvoir investir des millions de dollars dans de lourds développements en intelligence artificielle. Elles peuvent alors faire appel aux géants chinois de la tech, comme Tencent ou Alibaba, qui exportent à vil prix leurs efficaces outils de surveillance et de filtrage.
La Chine, on le sait, est à la pointe de la censure et du contrôle de masse, la gestion des discussions autour du coronavirus en étant l'exemple récent le plus parfait.
Comme l'explique le Wall Street Journal, la clientèle chinoise de Tencent et d'Alibaba est constituée d'entreprises désireuses de ne pas s'attirer l'ire du pouvoir central en laissant publier, sur leurs plateformes, tout contenu politique considéré comme sensible.
Solutions clé en main
«La norme globale a tendance à glisser de l'expression vers la censure, assure au journal américain Matt Perault, désormais directeur du Center on Science & Technology Policy de la Duke University, mais dont le passé chez Facebook teint sans doute la philosophie et les craintes. Beaucoup de pays qui cherchent à importer les outils et la politique de gouvernance de leur internet vont choisir les solutions clé en main proposées par la Chine.»
La division cloud d'Alibaba propose ainsi une solution algorithmique de base, facturée 240 dollars [211 euros]. Elle permet de surveiller 90.000 publications (textes, photos, vidéos) par mois et d'en retirer tout contenu pornographique, lié à l'usage de drogues ou à des «personnalités politiques sensibles».
Pour 60.000 dollars [53.000 euros], on passe à la vitesse supérieure, avec jusqu'à quinze millions de contenus passés au crible par mois sur cinq ans; à la clientèle de déterminer ce qui est acceptable ou non, précise un porte-parole du conglomérat.
Même schéma côté Tencent, qui possède l'omniprésent WeChat, avec une offre à 9.000 dollars [8.000 euros] pour trente-six millions de contenus filtrés.
Géant de la recherche en Chine, Baidu facture de son côté 17 cents pour la censure de 1.000 contenus politiquement sensibles –plus cher que pour la violence, la pornographie ou le terrorisme. People.cn, bras armé en ligne du quotidien du Parti Communiste chinois, vend lui aussi ses propres algorithmes à qui souhaite dépolitiser son site.
Autant de services qui trouvent déjà preneurs à l'export. Basée à Singapour mais appartenant au conglomérat chinois YY Inc., l'entreprise Bigo Technology a vendu un système de censure automatisée au gouvernement indonésien et est en pourparlers avec les autorités égyptiennes et indiennes. Un rappel utile que la liberté d'expression n'est ni universelle, ni invulnérable.