Au début du mois, la Chine envoyait dans les airs la dernière version de la Long March 5B, sa plus grande fusée en date. Le 5 mai à midi (heure française), le prototype de 54 mètres de haut et de 837 tonnes a décollé avec succès depuis la base de lancement de Wenchang, sur la côte de l'île Hainan.
L'appareil est resté en orbite à 8.000 kilomètres d'altitude durant une semaine, avant d'entamer une rentrée dans l'atmosphère… qui a failli tourner à la catastrophe.
«Je n'ai jamais vu une rentrée [de fusée comme celle-ci] passer directement au-dessus d'autant d'agglomérations majeures», s'est inquiété sur Twitter Jonathan McDowell, un astronome du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics.
Procédant à un retour incontrôlé, l'un des étages de la fusée est passé à proximité des îles Fidji, de Hollywood, d'un laboratoire de la NASA, puis a survolé à 170 kilomètres d'altitude Central Park, dans la ville de New York.
Heureusement, cet étage central, dont le poids est estimé à plus de 20 tonnes par Ars Technica, n'est rentré dans l'atmosphère qu'à 17h33 (heure française), au-dessus de l'Atlantique.
CSpOC has issued a new TIP: 15:19 UT +- 36m.
— Dr Marco Langbroek (@Marco_Langbroek) May 11, 2020
That is much earlier than my last estimate.
When I assume maximum drag surface I can bring my model down to 15:33 UT +- 38m.
The previous results were for 2/3rd of max drag surface as that generally seems to work well on rocket stages.
À 15 minutes près, la fusée risquait de faire pleuvoir de gros débris en plein cœur de l'une des plus grandes mégalopoles de la planète –ce qui ne l'a pas empêché de faire des dégâts ailleurs dans le monde.
Il semblerait que des morceaux se soient écrasés en Côte d'Ivoire, dans le village de Mahounou. Aucune victime ne serait à déplorer selon les premiers témoignages, mais un gros boum aurait été entendu à proximité et une maison aurait été endommagée par un tube métallique de 50 kilos.
«Je ne serais pas surpris si plusieurs morceaux d'une masse de 100 à 300 kilos retombaient au sol, ajoute Jonathan McDowell pour Ars Technica. Par contre, je le serais davantage si un objet plus gros qu'une tonne s'écrasait.»
Il s'agirait selon le spécialiste du plus large véhicule à faire une rentrée incontrôlée dans l'atmosphère terrestre depuis 1991, lorsque la station spatiale russe Saliout 7 s'était désintégrée au-dessus de l'Argentine.
Approche laxiste de la sécurité
La Chine est habituée aux polémiques sur le lancement de ses fusées. En novembre 2019 étaient déjà évoquées des inquiétudes quant aux sites de lancement chinois.
Souvent situés au beau milieu des terres plutôt qu'au cœur de l'océan, ils ont déjà causés des accidents dramatiques –propulseurs qui s'écrasent dans des villages, débris pleins de propergol laissant s'échapper des fumées hautement toxiques, etc.
This is the aftermath downrange following a Chinese Long March 3B launch from Xichang early Saturday. And that yellow smoke is very toxic hypergolic propellant. Source: https://t.co/VEh5X8Ors0 pic.twitter.com/22IVIpyJOk
— Andrew Jones (@AJ_FI) November 23, 2019
«Les normes de sécurité utilisées pour les lancements spatiaux chinois laisseraient les régulateurs américains apoplectiques», écrivait Greg Autry, le directeur de la Southern California Commercial Spaceflight Initiative, dans un billet sur Space News.
«Comme c'est le cas dans de nombreuses industries mondiales, poursuivait-il, cette approche laxiste des normes environnementales et de la sécurité des personnes promet d'offrir à la Chine un avantage de coût significatif par rapport aux entreprises américaines, plus responsables et hautement réglementées.»