En réponse outrée et musclée à la visite de la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis Nancy Pelosi à Taïwan, la Chine s'est lancée dans d'intenses exercices militaires à projectiles réels autour d'une île techniquement encerclée par son ennemi existentiel, et a procédé à des tirs de missiles à peine plus rassurants.
De leur côté, les États-Unis se préparaient à toute éventualité en bandant quelque peu les muscles et en déplaçant quelques gros atouts dans le Pacifique, notamment les USS Reagan ou USS Tripoli, leurs escortes, leurs F-18 et leurs F-35, faisant craindre l'étincelle qui allait transformer la démonstration de force en incident sérieux.
Mais comme l'a révélé le Wall Street Journal, Washington semblait fort conscient du risque d'incompréhension entre les deux grands rivaux aux nerfs à blanc, quelque temps après qu'António Guterres, secrétaire général de l'ONU, ne prévienne le monde que le risque d'un malentendu le plaçait au bord du précipice atomique, en ouverture d'un sommet sur la question.
Précautionneuse, Washington a (sagement) décidé de repousser un lancer de test de l'un de ses fameux missiles balistiques LGM-30G Minuteman III, ceux-là même qu'elle destine à envoyer la mort sous forme atomique sur d'autres continents en cas de conflit nucléaire global.
«Alors que la Chine s'engage dans des exercices militaires autour de Taïwan, les États-Unis démontrent à la place le comportement d'une puissance nucléaire responsable en minimisant les risques d'incompréhension», a ainsi déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche John Kirby.
Mieux vaut prévenir que mourir
Le test aurait dû avoir lieu depuis la Vandenberg Air Force Base en Californie –donc, pour couronner le tout, sur le Pacifique. Ces essais, connus sous le nom de «Glory Trips», sont des opérations de routine destinées à vérifier le bon fonctionnement de missiles balistiques intercontinentaux qui font une partie de la puissance nucléaire américaine mais qui, avec cinq décennies derrière eux, sont notoirement vieillissants.
C'est la seconde fois cette année que les États-Unis repoussent un tel «voyage de gloire»: le Pentagone avait pris une décision similaire en mars, quelques jours après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, afin d'éviter de chatouiller Vladimir Poutine dans le domaine sensible de l'apocalypse nucléaire mondiale.
C'est de la même base de Vandenberg que les États-Unis lancent les LGM-35A Sentinel, projectiles destinés à remplacer avant 2030 les vieux Minuteman III.
Le projet, d'un coût faramineux de 100 milliards de dollars, était auparavant connu sous le terme générique de «Ground Based Strategic Deterrent» (GBSD). En juillet, le prototype utilisé essuyait un échec technique semble-t-il spectaculaire.
Cette fois, la réussite de la décision du Pentagone est totale: le principe même de la dissuasion nucléaire est de ne jamais avoir à s'en servir et, comme vous avez sans doute pu le constater, nulle fin du monde atomique n'a été à déplorer ces derniers jours. Pourvu que ça tienne.