Qu'est-ce qui peut faire plus peur à un marin que la vision du sillage d'une torpille filant droit vers la coque de son navire? Celle du panache d'un missile anti-navire type Exocet ou Harpoon, par exemple.
Ou, bien pire encore, la succession des deux: c'est, peut-être et comme le narre le South China Morning Post, ce que promet aux ennemis de la Chine le prototype d'une torpille d'un tout nouveau genre, alimentée au bore, d'abord supersonique dans les airs puis capable de fendre les flots à grande vélocité avant de s'abattre sur le navire visé.
Le terrifiant bidule, d'une longueur de 5 mètres, atteindrait d'abord 2,5 fois la vitesse du son à une altitude de 30.000 pieds, soit celle de croisière des avions de ligne, sur une grande distance de 200 kilomètres.
Il pourrait ensuite plonger vers la surface marine pour les 20 bornes suivantes, avant de se transformer en torpille en bonne et due forme sur les 10 kilomètres le séparant de sa cible finale.
En utilisant alors une propulsion par supercavitation, technique «permettant à un objet de produire un gaz chaud, assez chaud même pour vaporiser l'eau, qui enveloppera l'objet afin de réduire le frottement de l'eau» selon la définition de Wikipédia, il pourrait enfin tracer à une vitesse de 100 mètres par seconde, puis «boum!».
Li Pengfei, à la tête de l'équipe de scientifiques proposant cette solution, explique –assez logiquement– qu'un tel engin, sa grande portée et son unique double mode de transport permettrait «d'augmenter grandement sa capacité de pénétration».
Le challenge principal rencontré par Pengfei et son équipe de l'Université nationale de technologie de défense, dans le Hunan, réside dans le mode de propulsion, qui doit être à la fois capable de pousser le missile dans l'air et la torpille dans l'eau.
Bore to be alive
C'est dans le bore que les scientifiques militaires chinois ont vu la lumière: le matériau réagissant violemment au contact des deux éléments, apprendre à maîtriser cette réaction ressemble à une solution idéale.
Comme l'explique le South China Morning Post, le bore a déjà été utilisé par les États-Unis dans les années 1950 pour booster les réacteurs de bombardiers supersoniques. Il a néanmoins été vite abandonné: sa réaction pouvait être quelque peu anarchique, et elle laissait sur les réacteurs un dépôt le rendant peu à peu moins efficaces.
La course aux armements hypersoniques a relancé l'intérêt de la science, spatiale et militaire, pour le bore. Celui-ci est toutefois généralement imaginé pour un usage dans les airs et non dans l'eau, où des carburants basés sur l'aluminium ou le magnésium sont plutôt utilisés pour obtenir la supercavitation.
Pengfei et al. ont, eux, présenté dans leur article, publié par la revue chinoise Journal of Solid Rocket Technology, un statoréacteur (ramjet, en anglais) d'un type nouveau et aux composants inédits, pensés pour que la combustion du bore conserve son efficacité dans les airs comme dans l'océan.
«Le statoréacteur cross-média utilise un propergol solide riche en bore, qui brûle lorsque l'air ou l'eau de mer pénètre dans la prise d'air pour ensuite générer des gaz à haute température et générer de la poussée», décrit l'article. Pour présenter les caractéristiques finales promises par les scientifiques, le prototype imaginé devrait en revanche doubler la quantité de bore dans la composition de son carburant.
Cela pourrait poser quelques problèmes de production puis, en vol ou sous les mers, de contrôle, mais rien qui ne soit insurmontable avec quelques années de recherches supplémentaires, supposent Pengfei et ses camarades.
Tout ceci, bien sûr, pourrait n'être qu'un effet d'annonce, un petit coup de poker pour pousser les rivaux à montrer un peu plus de leur propre jeu. Mais la Chine a, ces dernières années, fait de grands progrès en matière de projectiles et de propulsion.
On se souvient ainsi avec quelle glaciale émotion le Pentagone avait accueilli le test d'un missile hypersonique orbital à capacité nucléaire. Méfiance, rien n'est fait mais rien n'est impossible, et l'empire du Milieu avance très, très vite vers les hautes sphères technologiques mondiales.