Il y a quelques mois, le New York Times révélait l'existence de Clearview AI, une entreprise qui pourrait «mettre un terme à la vie privée telle que nous la connaissons».
Son application de reconnaissance faciale fonctionne comme un Shazam pour les visages: il suffit d'uploader une photo, et l'algorithme va chercher dans tous les visages correspondants qu'il a aspirés sur internet.
Très critiquée, Clearview AI a rapidement reçu des mises en demeure de la part de Facebook, LinkedIn et Google afin de l'empêcher de récupérer des photos disponibles sur leurs plateformes.
Devant cette levée de boucliers, la société avait alors assuré que son produit n'était utilisé que pour traquer des délinquant·es et des victimes, qu'il n'était vendu qu'aux services de police et n'était pas accessible au public.
Une nouvelle enquête du New York Times publiée le 6 mars affirme le contraire: selon le quotidien américain, cela fait plus d'un an que des happy few peuvent utiliser Clearview comme bon leur semble.
«Tour de passe-passe en soirée»
En 2017, avant de se concentrer sur les forces de l'ordre, les fondateurs de l'entreprise Hoan Ton-That et Richard Schwartz cherchaient qui pourrait s'intéresser à leur projet. Afin d'éveiller l'intérêt d'investisseurs et d'une possible clientèle, ils ont distribué à de nombreuses personnes des accès personnels à l'application.
Le milliardaire John Catsimatidis raconte au New York Times que grâce au logiciel, il est parvenu à identifier le petit-ami de sa fille sans qu'il ne s'en rende compte, alors qu'ils dînaient dans le même restaurant. «Je l'ai utilisé des dizaines de fois, dans des bars enfumés, des endroits sombres, ça marche à chaque fois, détaille Catsimatidis. C'est un tour de passe-passe en soirée, ça amuse les gens.»
Quelques millionnaires ont ainsi pu impressionner leurs proches ou laisser leurs enfants jouer avec, comme affirme l'avoir fait le fondateur de la firme d'investissement Kirenaga Partners.
D'autres s'en sont même vantés en interview: en septembre 2019, l'acteur devenu investisseur en capital-risque Ashton Kutcher expliquait à First We Feast disposer sur son téléphone d'une app encore en beta dont le fonctionnement paraissait très similaire à celui de Clearview.
Tout cela peut sembler anecdotique, mais ces révélations montrent que Clearview a distribué à qui elle l'entendait des accès à son application de surveillance, sans qu'aucun contrôle ne soit imposé.
Outre cet usage récréatif, l'utilisation à grande échelle de Clearview n'était pas non plus réservé qu'à la police. D'après Buzzfeed, Clearview a également pu être testée par des grands magasins, des salles de concert, la NBA et des casinos.