Nous en avons déjà parlé il y a quelques années, et des projets d'apparence folle sur la question ont depuis fleuri un peu partout dans le monde.
Puisque les politiques et sociétés de la planète ne semblent réussir à s'entendre pour réduire drastiquement les émissions humaines de gaz à effet de serre et limiter ne serait-ce qu'un peu la casse du changement climatique, la géoingénierie commence à s'imposer dans les esprits comme une ultime solution.
Une large part de la communauté scientifique se méfie de cette science de démiurges fous, qui consiste à bidouiller le climat de manière artificielle –et furieusement expérimentale– pour adapter l'atmosphère planétaire ou les rayonnements solaires à nos usages et surconsommation.
Les solutions imaginées pour la géoingénierie devraient pourtant, selon le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), être explorées de plus près, indique un rapport publié en février et relayé par Motherboard.
Pas d'emballement pour autant: les conclusions et avertissements dudit document sur la dangerosité de ces techniques dites de «modification des rayonnements solaires» sont assez claires. En aucun cas, est-il expliqué noir sur blanc, elles ne doivent remplacer les efforts drastiques de l'humanité pour bouleverser ses habitudes et réduire les dommages qu'elle cause à son environnement.
Mais le même rapport fait savoir dans le même temps que la géoingénierie, et en particulier le jeu sur les rayonnements solaires, pourrait être le seul «frein d'urgence» immédiatement disponible pour sauver la planète de son fatal réchauffement. Il serait donc préférable, malgré ses dangers, d'en étudier dès aujourd'hui les techniques et conséquences et d'imaginer des cadres pour ces études et tests.
Car après tout, ça a l'air plutôt simple, comme le raconte Motherboard. Bloquer ne serait-ce que 2% des rayons solaires qui atteignent la Terre suffirait à renverser la vapeur du réchauffement climatique, pour utiliser un mauvais jeu de mots.
Géo Cassetout
Problème: cela n'a jamais été expérimenté en dehors de laboratoires et à grande échelle, sinon par la planète elle-même, lors d'éruptions volcaniques géantes notamment. Ce fut le cas de celle ou celles qui ont provoqué le petit âge glaciaire au Moyen Âge, ou de la dantesque crise de colère du Tambora en 1815, qui offrit des années froides et bien des déboires à l'Europe –ou des cieux spectaculaires aux tableaux de Turner.
Nous ne disposons que d'une seule planète, d'une seule atmosphère, affirme clairement Andrea Hinwood, cheffe scientifique de la structure, dans un communiqué du PNUE portant sur la publication de son rapport. Il faut donc faire attention, mais faire attention signifie étudier de plus près et de manière plus encadrée et organisée les tenants et aboutissants de la géoingénierie.
Malgré toutes ces précautions prises par Hinwood et le PNUE, qui note clairement que l'urgence est d'abord de couper nos dépendances aux énergies fossiles et aux procédés polluants, l'idée est néanmoins lancée et le pied est dans la porte.
C'est précisément ce qui inquiète les scientifiques les plus farouchement opposés à tout bidouillage inconséquent et artificiel de nos climats.
«La géoingénierie solaire est en train de devenir mainstream d'une manière qui rend presque inévitable le fait que nous finissions par le faire», explique ainsi à Motherboard Jennie Stephens, chercheuse en politiques environnementales à l'Université Northeastern. Il est décevant de voir les Nations unies sauter dans le wagon pour généraliser l'idée que cela peut constituer une approche légitime.»
Comme d'autres, Jennie Stephens est signataire d'une lettre ouverte réclamant le bannissement pur et simple de toute velléité de bidouillage atmosphérique. Selon eux, toute intervention humaine sur le fonctionnement systémique complexe et délicat du climat planétaire pourrait avoir des répercussions gravissimes et dont nous ne reviendrions pas.
L'aggravation de phénomènes de sécheresse ou d'inondations dans certaines régions du monde, l'accroissement des inégalités entre les nations les plus riches et les zones les plus délaissées, le dérèglement de phénomènes comme El Niño pourraient ainsi mener à de nouveaux désastres inédits.
D'autres scientifiques réfléchissent alors à des solutions moins intrusives, moins définitives, peut-être moins fatalement dangereuses que celles de la géoingénierie classique, souvent basée sur l'injection dans les hautes atmosphère d'aérosols et substances pouvant réfléchir les rayons solaires.
Si le bidouillage de notre atmosphère est une idée si dangereuse, pourquoi ne pas voir plus loin, et aller agir directement dans l'espace? C'est ainsi que des équipes de scientifiques travaillent sur des solutions dites d'astroingénierie peut-être plus folles encore.
Récemment, des chercheurs expliquaient dans un papier publié par la revue PLOS Climate que réussir à «vaporiser» un peu de la poussière de la surface lunaire entre la Terre et son astre brûlant, possiblement au point de Lagrange L1, était une piste à explorer pour se sauver du barbecue géant auquel ressemble parfois notre futur.
En 2022, des chercheurs du prestigieux MIT proposaient une autre solution, sans doute horriblement coûteuse mais possiblement efficace et, surtout, pleinement réversible.
Fabriqué directement dans l'espace, une sorte de bouclier géant constitué de bulles en plastique pourrait, comme la poussière lunaire évoquée ci-dessus, être placé au point de Lagrange L1 et constituer un très littéral parasol pour une Terre exsangue de trop chauffer.