L'air conditionné dans les bâtiments représente aujourd'hui 10% de la consommation électrique mondiale, selon l'Agence internationale de l'énergie. Avec le changement climatique et la hausse du niveau de vie, le nombre de climatiseurs devrait tripler d'ici à 2050, avec un appareil vendu toutes les 30 secondes.
L'air conditionné deviendra ainsi la seconde source de consommation électrique derrière l'industrie, met en garde l'organisation. Heureusement, de nombreuses technologies et méthodes architecturales sont déjà en œuvre pour rendre nos maisons «passives» et plus résiliantes à la chaleur. Celles en développement sont encore plus prometteuses.
Une peinture ultra réfléchissante
On sait déjà que peindre les maisons en blanc contribue à abaisser la température intérieure. «Lorsque vous portez un t-shirt blanc, vous avez moins chaud qu'avec le même en noir car le blanc absorbe moins la chaleur. C'est la même chose avec les bâtiments», atteste Aaswath Raman, professeur assistant à l'université de Californie à Los Angeles.
Mais il est possible d'aller encore plus loin. Alors que la peinture blanche classique réfléchit environ 85% du rayonnement solaire, il est possible de rejeter jusqu'à 98% des radiations grâce à une peinture spéciale concoctée par le chercheur.
La plupart des peintures blanches contiennent du dioxyde de titane, un pigment qui réfléchit les rayons du soleil dans le spectre visible mais absorbe les rayons UV. Une caractéristique efficace dans les crèmes solaires afin de limiter les effets nocifs du soleil mais beaucoup moins pour les peintures destinées aux bâtiments.
L'équipe de recherche a donc remplacé le dioxyde de titane par de la barytine, un minéral utilisé notamment comme pigment blanc dans l'industrie (blanc de Comines). Elle a également ajouté du polytetrafluoroéthylene, plus connu sous le nom de Teflon, qui présente une excellente stabilité aux UV.
Elle a enfin diminué le nombre de liaisons entre les polymères, qui ont tendance à absorber la chaleur. Cette peinture pourrait contribuer non seulement à réduire la facture énergétique de la climatisation mais aussi à atténuer l'effet «îlot de chaleur» dans les grandes villes l'été, assure Aaswath Raman. Reste à prévoir les lunettes de soleil pour les habitant·es.
La peinture (appliquée sur les rectangles E1 et E3) absorbe beaucoup moins de chaleur qu'une peinture blanche classique. | Jyotirmoy Mandal
Une fenêtre remplie d'eau
L'eau ne sert pas sans raison de liquide refroidissant dans les centrales nucléaires: elle agit comme un isolant thermique redoutablement efficace. Sa transparence laisse en outre passer la lumière du soleil.
C'est avec ces deux idées en tête qu'une équipe de recherche de l'université de Loughborough au Royaume-Uni a inventé une fenêtre «rafraichissante» munie d'une double paroi remplie d'eau. Les fenêtres constituent en effet le maillon faible du l'isolation thermique en été: comme la plupart des matériaux transparents, le verre produit un effet de serre en piégeant le rayonnement infrarouge à l'intérieur de la pièce.
Avec la fenêtre mise au point par Matyas Gutai et son équipe à Loughborough, la mince couche d'eau absorbe la chaleur du soleil et la chaleur intérieure avant d'être évacuée via des tuyaux dans le mur et remplacée par de l'eau fraîche.
L'eau chaude, stockée dans un réservoir, peut ensuite être mise à profit pour chauffer le bâtiment lorsqu'il fait plus froid, ou pour la douche et le bain. Le système de pompage recquiert certes un peu d'électricité, mais d'après les calculs des membres de léquipe de recherche, l'économie peut s'élever jusqu'à 72% d'énergie par rapport à un double vitrage, et 61% par rapport à un triple vitrage.
La fenêtre offre aussi une excellente protection acoustique contre le bruit. Après avoir construit deux maisons pour tester ce système, les personnes à l'origine de cette innovation espèrent désormais un développement commercial rapide.
Prototype de fenêtre à eau. | Université de Loughborough
Une façade origami
À Paris, le siège social de la banque Barclays présente une curieuse façade dotée de triangles en forme de «livre ouvert», conçus pour minimiser la pénétration du soleil.
Ces panneaux composites, fabriqués avec un film de marbre intercalé dans un double feuilleté de verre, «tamisent la lumière naturelle pour créer une ambiance intérieure douce» et confère un aspect esthétique à la façade, explique le cabinet d'architecture Manuelle Gautrand, à l'origine du projet.
C'est d'une même inspiration que sont nées les tours jumelles Al Bahr Towers à Abu Dhabi. Hautes de 145 mètres et comprenant vingt-neuf étages, ces dernières sont munies d'une «double peau» rappelant le tronc d'un palmier ou les écailles d'un ananas.
Cette structure dynamique est composée de panneaux se pliant et se dépliant au gré de la position du soleil au fil de la journée, afin de modifier l'incidence de la lumière entrante.
Entièrement contrôlé par ordinateur, ce système permet de réduire de 50% à 60% la dépense énergétique liée à la climatisation, soit l'équivalent de 750 tonnes d'émissions de CO2 évitées par an, d'après le concepteur Aedes Architects.
Les tours Al Bahar à Abu Dhabi. | Tile Select
Paradoxalement, cette «seconde peau» accroît la luminosité à l'intérieur du bâtiment car il fait appel à du verre moins teinté pour les fenêtres.