Deux semaines après le retrait de la Russie des zones autour de la capitale ukrainienne, la commune de Boutcha, théâtre de massacres et d'exactions, est au centre de toutes les préoccupations.
Après avoir retrouvé des centaines de corps, parfois mutilés, dans ses rues, l'heure est désormais à la recherche de coupables. Qui a perpétré les meurtres de civils, des crimes de guerre, dans cette ville en périphérie de Kiev?
Pour s'en assurer, les autorités locales et nationales se sont lancées dans une vaste enquête dans le but de monter un dossier solide à présenter devant le tribunal international.
Pour eux, aucun doute: les soldats russes et le Kremlin sont responsables. Afin de réunir le maximum de preuves, une équipe d'environ 1.000 personnes, avec à leur tête le procureur ukrainien Ruslan Kravchenko, enquête actuellement sur les crimes présumés à Boutcha. Des gendarmes français de l'Institut de recherches criminelles de la Gendarmerie nationale (IRCGN) sont sur place pour participer à l'effort international.
Fier d'accueillir à #Lviv le détachement des gendarmes techniques et scientifiques venu assister leurs camarades 🇺🇦 dans les investigations des crimes de guerre commis autour de #Kiev. La 🇫🇷 première à apporter une telle aide. Ils seront à pied d'œuvre dès demain. Solidarité 🇫🇷🇺🇦 pic.twitter.com/3pX9LkPzeq
— Etienne de Poncins (@EdePoncins) April 11, 2022
Si la recherche de preuves concrètes telles que des passeports de soldats perdus, des photos ou des inscriptions est mise en œuvre, la technologie joue également un rôle primordial dans cette investigation de longue haleine.
Les logiciels de reconnaissance faciale, par exemple, déjà utilisés depuis plusieurs semaines pour identifier les morts, pourraient aujourd'hui permettre de prouver des crimes de guerre.
Les enquêteurs du bureau du procureur examinent les images des caméras de sécurité présentes dans la ville et les analysent grâce à un logiciel de reconnaissance faciale, afin de retrouver les suspects sur les réseaux sociaux ou dans les fichiers du ministère de la Justice.
Reconstitution numérique
À l'aide d'images satellites, les enquêteurs reconstituent les circonstances exactes des exactions, et déterminent à quel moment et à quel endroit des personnes sont mortes. L'objectif? Identifier l'auteur de chaque agression, viol et meurtre qui aurait été commis pendant l'occupation russe.
Pour ce faire, un groupe de spécialistes des données télécharge des images fixes et animées à partir de comptes de médias sociaux pour faire correspondre les visages russes retrouvés aux crimes présumés. Dans le même temps, un groupe d'avocats traque les métadonnées des vidéos enregistrées à Boutcha pendant l'occupation pour les relier à des crimes attestés.
Dans leur entreprise, les Ukrainiens peuvent aussi compter sur une armée de drones. Depuis lundi, des dizaines de ces machines équipées de caméras survolent le ciel de Boutcha dans le but de recréer une carte numérique de la ville.
L'idée: connaître avec précision les emplacements et les détails des crimes présumés. C'est d'ailleurs à l'aide d'un drone que les images d'un meurtre de civil, devenues virales, ont été captées. Dans cette vidéo qui a fait le tour du monde, on voit une personne se déplacer à vélo, avant d'être abattue par un tank russe.
De son côté, la Russie nie toujours avoir ciblé des civils lors de ses assauts militaires. Pour Vladimir Poutine, le massacre de Boutcha est… «un fake».