Selon le chercheur du King's College Tony Milligan, il existe un risque réel de conflits pour le contrôle d'emplacements stratégiques sur la Lune –fortement exposés au soleil pour l'électricité ou riches en eau– en vue de l'exploitation de ses ressources.
«Des sites importants pour la science sont également importants pour la construction d'infrastructures. [Ils] comprennent des “pics de lumière éternelle” (où la lumière du soleil, et donc l'accès à l'énergie, est presque constante) et des cratères ombragés en permanence dans les régions polaires, où se trouve de la glace d'eau», explique-t-il.
Pics de lumière éternelle et cratères ombragés sont rares, et la combinaison des deux l'est encore plus. Ces sites se concentrent dans les régions polaires de la Lune, et non pas les zones équatoriales visitées par le projet Apollo. La Chine, qui a récemment envoyé Chang'e 5 prélever des échantillons lunaires, vise le pôle Sud du satellite dès 2024.
«L'Inde a tenté une route polaire plus directe avec […] Chandrayaan-2, qui s'est écrasé […] en 2019. Le Russe Roscosmos […] cible également la région polaire sud pour des atterrissages fin 2021 et, en 2023, au cratère Boguslavsky [puis] le bassin d'Aitken […] en 2022 pour prospecter de l'eau dans des zones ombragées en permanence», détaille Tony Milligan. Le secteur privé lorgne lui aussi le pôle Sud.
Houston, nous avons un problème
Les minerais lunaires se concentrent également sur de petites surfaces. Le thorium et l'uranium, utilisables pour produire de l'électricité nucléaire, sont présents dans trente-quatre régions de moins de 80 kilomètres de large. Le fer issu des impacts d'astéroïdes se trouve dans une vingtaine de zones larges de 30 à 300 kilomètres.
Quant au Graal de l'exploitation lunaire, l'hélium 3 –qui pourrait servir à la fusion nucléaire–, c'est encore pire: bien qu'il soit présent sur toute la surface de la Lune, seules huit régions de moins de 50 kilomètres de large affichent des concentrations élevées.
Selon Tony Milligan, le traité de l'espace (1967) n'a rien prévu pour les acteurs privés, l'accord sur la Lune (1979) est perçu comme trop restrictif et les récents accords Artémis sont jugés trop favorables aux États-Unis.
Il est donc urgent que les principales puissances se mettent d'accord sur un partage équitable des ressources lunaires. La création d'installations communes, à l'image de la Station spatiale internationale, pourrait encourager la coopération. Mais il n'y a plus de temps à perdre pour éviter une politique du fait accompli qui, sur Terre, pourrait provoquer de graves conflits.