Un soldat ukrainien vise avec un NLAW britannique. | AFP
Un soldat ukrainien vise avec un NLAW britannique. | AFP

Comment les missiles antichars occidentaux vont forcer la Russie à changer de tactique

Rarement des blindés n'ont semblé si frêles.

«Saint Javelin»: le missile antichar américain, un FGM-148 fabriqué par Lockheed Martin et Raytheon dont nous dressions le portrait il y a quelque temps, est devenu pour l'armée ukrainienne une figure mythique.

Il y a de quoi. Selon les décomptes en temps réel d'Oryx, spécialiste de l'Osint (open source intelligence), l'armée russe aurait perdu la bagatelle de 1.380 véhicules dans les premières semaines de la guerre, dont 233 de ces précieux tanks sur lesquels la stratégie de force brutale de Moscou semblait en grande partie reposer.

Les États-Unis ont annoncé le 16 mars redoubler d'efforts quant à la fourniture d'armes à l'Ukraine, avec notamment et parmi bien d'autres choses l'octroi de 9.000 nouveaux missiles antichars.

Les autres pays au soutien du pays agressé redoublent également d'efforts pour mettre ces choses entre les mains de tous les combattants. Comme le note Bloomberg, la Grande-Bretagne a envoyé 3.615 de ses redoutables NLAW («Next generation Light Anti-tank Weapon»), l'Allemagne s'est délestée de 1.000 missiles antichars, la Suède de 5.000 et la Norvège de 2.000.

Une profusion comme il en a rarement été vue sur un champ de bataille, analysent les experts. Et une mauvaise nouvelle pour la Russie, qui va devoir totalement revoir ses plans –et possiblement durcir son action– si elle souhaite stopper son hémorragie humaine et l'hécatombe matérielle et reprendre un peu l'initiative.

Car les dizaines de vidéos d'attaques de chars, en solitaire ou en convois, distillées par les forces ukrainiennes sur les réseaux sociaux, montrent souvent le même genre d'images.

Des véhicules un peu perdus sur les routes goudronnées d'Ukraine, comme à Brovary dans le nord de Kiev, sans aucun soutien d'une quelconque infanterie; des cibles faciles qui se font cueillir par les très efficaces embuscades de combattants connaissant le terrain comme leur poche.

Ce n'est pas ainsi que l'on prend une ville; c'est pourtant l'objectif principal de Vladimir Poutine et de ses généraux. Selon un analyste basé à Moscou, Pavel Felgenhauer, les forces russes vivent ce qu'a déjà vécu l'armée israélienne lors de la guerre du Kippour en 1973.

Les tanks de Tsahal, qui se sont retrouvés face à des systèmes antichars nouvellement acquis par l'Égypte, ont commencé à tomber comme des mouches. Jusqu'à ce qu'Israël décide d'utiliser son infanterie en avant de ceux-ci, pour nettoyer a priori la zone d'éventuelles menaces, plutôt que derrière eux, en soutien.

«Quand on veut prendre des villes, le principal n'est pas de les arroser avec des bombes, il faut aussi de l'infanterie capable de progresser quand les défenseurs sont encore sous le choc, explique Felgenhauer. L'infanterie russe sera-t-elle assez forte pour cela? Je ne sais pas.»

Le retour du troufion

Avec au moins 7.000 morts depuis le début d'une guerre que beaucoup n'attendaient pas, le moral des troupes russes est notoirement bas. Le spectacle de centaines de ces véhicules calcinés, détruits par des missiles possédés à profusion par l'adversaire, ne doit pas aider à se sentir particulièrement conquérantes avant d'entamer les âpres combats urbains qui les attendent.

L'armée russe va donc devoir changer son fusil d'épaule –ce qu'elle a déjà commencé à faire en recrutant des milliers de combattants de Syrie et d'autres pays, et en commençant à faire appel à ses propres réserves. Car pour pénétrer efficacement dans les villes et en prendre le contrôle, si tant est que la chose soit possible, il ne lui faudra pas beaucoup de blindés, à l'évidence fortement affaiblis par les armes occidentales, mais beaucoup de combattants.

Nombre des généraux russes sur le front ukrainiens étaient également en Syrie. Les tactiques utilisées par Moscou pour soutenir Bachar el-Assad face aux rebelles pourraient donc refaire leur apparition, et ce n'est aucunement une bonne nouvelle pour quiconque –militaires et civils– se trouvera sur la route des forces russes.

Dans des combats longs d'une guerre d'attrition et de siège, l'utilisation intensive de l'infanterie en théâtre urbain, celle également de bombes dites «thermobariques», ces enfers sur Terre qui déchirent les corps et vident les bâtiments de toute vie, pourraient faire des ravages. Si du moins les troupes russes ont les qualités et le moral suffisants pour mettre en œuvre de tels plans.

Les récents événements, comme le bombardement des réfugiés civils du Théâtre de Marioupol le 16 mars pour ne prendre que cet exemple, montrent en tout cas que, pas plus qu'en Syrie, les pires crimes et horreurs n'effraient pas Vladimir Poutine. L'utilisation d'armes chimiques ou bactériologiques n'est d'ailleurs pas écartée par les renseignements américains.

Pour la Russie, le temps presse. Le printemps arrive et, avec lui, le dégel et la fameuse raspoutitsa ukrainienne, cette boue collante que craignent les blindés dont la tâche serait rendue encore plus compliquée.

En outre, les livraisons d'armes ne concernent pas seulement des systèmes antichars. Des milliers de fusils, lance-grenades, casques et protections sont également livrés aux Ukrainiens, qui pourront dans les prochaines semaines s'armer et se préparer aux combats urbains qui viennent.

Les gros tanks russes perdront encore un peu plus de leur puissance et de leur utilité dans cette nouvelle guerre qui s'ouvrira. Le moral et le nombre des troupes feront tout: à ce jeu, l'Ukraine a toutes ses chances.

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